Ils s’appellent Donal Loughney, Barney O’Kane, Stephen Collier et habitent la France. Leurs points communs : leur nationalité irlandaise et leur belle culture du spiritueux malté. Rencontre avec ces trois personnalités pour parler du whiskey irlandais et de l’une de ses institutions, Bushmills.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Quand êtes-vous arrivé en France ?
Stephen Collier : j’ai quitté Dublin pour la France il y a environ 15 ans. J’avais un bar à whisky dans les Alpes. Aujourd’hui, je suis Cask Manager (intermédiaire entre le tonnelier, les domaines viticoles et les distilleries) spécialisé dans le whisky.
Donal Loughney : je suis originaire de Dublin et je suis arrivé à Paris en 2007 pour reprendre l’affaire familiale, Patrick’s, Le Ballon vert, un pub irlandais basé dans le 11ème arrondissement. Nous disposons de la plus grande collection de whiskeys irlandais de Paris avec 200 références.
Barney O’Kane : Je viens de Belfast et j’ai débarqué dans la capitale en 2018 pour officier au bar à cocktails Little Red Door. J’ai toujours été intéressé par les cocktails au whisky.
Quelles sont pour vous les caractéristiques du whiskey irlandais ?
SC : c’est toute l’identité et le folklore de l’Irlande à l’image du vin en France. Le mot whiskey vient du gaélique irlandais « uisce beatha » qui signifie « eau-de-vie » comme chez vous. Côté goût, il se caractérise par des notes portées sur la vanille, le caramel, l’amande le chocolat, la noix, la pêche avec une finale épicée.
DL : C’est un whiskey léger tendant vers le sucré. Il est considéré souvent comme une porte d’entrée pour découvrir l’univers du whisky. Son choix reste encore restreint en France, donc j’étoffe ma sélection avec des produits achetés aux enchères ou lors de mes déplacements en Irlande.
BO : le whiskey irlandais est un spiritueux réalisé à partir d’orge maltée et non maltée et triplement distillé dans des alambics en cuivre. Trois adjectifs définissent son profil aromatique : subtil, doux et rond. C’est un ingrédient parfait à utiliser comme base dans les cocktails.
Quel est aujourd’hui son positionnement face aux autres whiskies dans le monde ?
SC : Le monde du whiskey irlandais a beaucoup changé en quelques années. C’est aujourd’hui un produit de luxe. Les whiskies écossais, français et japonais sont en quelque sorte des copycats car l’Irlande est le lieu de naissance du spiritueux malté.
DL : Le paysage du whisky écossais, qui se distingue par un profil souvent tourbé, est beaucoup plus conséquent (entre 200 et 300 distilleries) comparé à celui du whiskey irlandais plus réduit. Même si de nombreuses distilleries ont fermé, l’histoire et le savoir-faire du whiskey irlandais restent dans la mémoire de tous ses amateurs.
BO : Le whiskey irlandais est en pleine croissance. Ses grandes maisons partent reconquérir le marché international, occupé par les whiskies écossais et japonais. Les marques plus confidentielles connaissent ce même essor mais sur le plan local.
Est-ce aujourd’hui une origine innovante ?
SC : Pas moins de 48 distilleries ont créées depuis 5 ans en Irlande. Comparé au whisky écossais plus traditionnel, ses nouvelles maisons de whiskey irlandais travaillent avec leur terroir, notamment à partir d’orges locales comme le vin en France et plusieurs variétés de barriques pour des finitions après vieillissement en vue d’obtenir des goûts différents du marché.
DB : Les maisons travaillent de plus en plus sur des vieillissements avec certains types de fûts issus du monde du vin. Un type de maturation qui apporte un bouquet aromatique très intéressant. Autre tendance, l’arrivée de profils tourbés, une caractéristique peu commune dans l’histoire du whiskey irlandais.
BO : A mon grand bonheur, nous commençons enfin à voir certaines marques irlandaises booster la catégorie avec de belles innovations notamment sur la partie vieillissement.
Quelle est l’image du whiskey irlandais en France ?
SC : Il n’est pas encore connu par la plupart des Français. Aujourd’hui, on constate le même phénomène que dans la craft beer avec une nouvelle clientèle plutôt hipster qui recherche dans le whiskey irlandais un produit exotique et différent.
DL : Le whiskey irlandais représente un whiskey accessible et facile à boire. Mes clients me demandent souvent des conseils sur les meilleures distilleries irlandaises à visiter.
BO : En tant que barman irlandais vivant à Paris, il est difficile de répondre sans être partial. Je pense que les gens respectent le whiskey irlandais, mais pour l’instant la plupart des amateurs de whisky français préfèrent le scotch whisky.
Quel est votre premier souvenir avec le whiskey Bushmills ?
SC : Bushmills me rappelle un voisin, le père d’un ami qui avait un groupe de rock et buvait du Bushmills Black Bush. J’ai donc commencé par celui-ci. Son côté classique et simple m’a séduit.
DL : J’avais 20 ans. C’était le Bushmills Black Bush, un single malt vieilli principalement en fût de Sherry Oloroso. J’ai tout de suite apprécié ses arômes très gourmands.
BO : C’était après une partie de hurling (un sport irlandais traditionnel) pour fêter le point gagnant. Une histoire très irlandaise.
Avez-vous eu l’occasion de visiter la distillerie ?
SC : Oui bien sûr. C’est une distillerie très intéressante à découvrir pour son esthétisme et ses vieux alambics. Ce qui m’a marqué dès mon arrivée sur le site, c’est l’odeur dévoilant des parfums variés et gourmands, le caramel, l’orge, la pomme….
DL : Je n’ai pas encore eu l’occasion de visiter la plus vieille distillerie d’Irlande mais j’espère un jour. Elle représente pour moi l’une des maisons qui n’a jamais fermé au cours de son histoire.
BO : J’ai eu le plaisir de visiter plusieurs fois la distillerie localisée dans le comté d’Antrim, l’un de mes coins préférés du Nord de l’Irlande. L’architecture elle-même est un véritable joyau avec son toit emblématique affichant le nom de la distillerie et ses fours de cheminées à malt en forme de Pagode.
Qu’est-ce qui différencie Bushmills des autres whiskeys ?
SC : C’est la seule distillerie irlandaise qui produit uniquement du whiskey 100 % d’orge maltée comparé aux maisons qui produisent des pot stills, des whiskeys composés de 50 % d’orge maltée et 50 % d’orge non maltée. Sa recette n’a pas changé depuis sa création. Sa master blender a réussi le challenge de réaliser des recettes complexes à partir de classiques de la maison et des finitions en barrique de vin ou spiritueux.
DL : Sans hésitation son savoir-faire. Bushmills est présent depuis le début de la distillation du whiskey en Irlande. C’est l’une des maisons iconiques du pays et la plus connue des Irlandais.
BO : Son histoire de plus de 400 ans. Chaque grande marque de whisky possède une longue histoire, mais la distillerie Bushmills a quelque chose d’unique qui la distingue des autres distilleries. Ces dernières années, nous avons vu des versions plus créatives et expressives, ce qui, je crois, est exactement ce dont nous avons besoin dans le monde du whiskey irlandais. Avoir une femme master blender à la fois créative et avant-gardiste derrière l’une des plus grandes marques comme Bushmills ne peut être qu’un pas positif pour mener le whiskey irlandais dans la bonne direction.
Quelle est votre cuvée préférée ?
SC : Bushmills 16 ans d’âge, un single maltvieilli en fût de Sherry Oloroso et de Bourbon et maturé en fût de Porto. J’aime sa finale complexe portée sur les épices et le chocolat. Lorsque j’avais mon bar à whisky, je réalisais des Irish Coffee avec l’Original Bushmills qui matchait très bien avec ses notes épicées.
DL : Bushmills 10 ans d’âge, un single malt distillé à partir d’orge maltée et vieilli pendant minimum 10 ans dans des fûts de Bourbon et de Sherry. J’aime son bouquet aromatique très gourmand. Je dispose au pub d’une trentaine de références de Bushmills dont des cuvés dénichées en Irlande : des collectors qui datent des années 70 et 80. Nous vendons majoritairement du Bushmills Black Bush, Bushmills 10 ans, Bushmills 16 ans, Bushmills 21 ans et des single casks.
BO : Difficile de répondre à cette question, Black Bush a toujours une place dans mon cœur, mais actuellement le Bushmills Carribean Experience Rum Reserve est mon préféré. C’est une expression originale pour montrer à quoi ressemble le whiskey irlandais. Parfait en highball.
{"type":"Banniere-Basse"}