Huit ans après avoir célébré les noces du hip-hop et du mouvement queer, le New-Yorkais dévoile un premier album, mouvant, radical pour danser jusqu’à l’extase.
Il y a des morceaux qui touchent plus que d’autres. Quiconque a tendu une oreille au single Ima Read (2012) de Zebra Katz se souvient ainsi de ce concentré de pulsions argotiques et de gimmicks hypnotiques, où le verbe se faisait économe, au service d’un beat minimal, d’une émotion brute et d’ambiances rétrofuturistes, tout en tension et expressions orgasmiques.
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“I’m gonna give that bitch some knowlegde / I’m gonna take that bitch to college.” A l’époque, ces mots soufflent une brise enthousiasmante sur le hip-hop mondial, et rendent évidente la parenté de son auteur avec la fureur créative qui agite alors le mouvement queer, inventif et mordant, également porté par Mykki Blanco, Cakes Da Killa ou LE1F.
Dégenrons le hip-hop
Depuis, le temps a fait son œuvre. Des artistes populaires (Frank Ocean, Lil Nas X) ou émergents (Young M.A, Princess Nokia) ont contribué à dégenrer le hip-hop, et Zebra Katz, malgré sa présence dans les défilés de Karl Lagerfield ou les éloges de Questlove et Saul Williams, a peu à peu sombré dans les limbes de notre inconscient.
On avait tort, tant ce LESS IS MOOR est un disque jusqu’au-boutiste, inspiré par de grandes figures de la culture afro-américaine (James Baldwin, Nina Simone, Grace Jones), mais obnubilé par le futur, qui paraît ici ravagé par tout un tas d’intentions bruitistes et des mélodies urgentes, refusant de s’enrichir de refrains pop.
En quinze titres, partiellement composés aux côtés de Shygirl ou Sega Bodega, Zebra Katz donne donc vie à un album bien trop agité pour être immédiatement saisi. C’est un numéro d’équilibriste, qui peut s’assoupir en une complainte chancelante comme se muer en banger mutant, en même temps qu’une des œuvres hybrides les plus folles de ces dernières années.
Non parce que Zebra Katz est le meilleur rappeur, mais parce qu’il évolue sur un terreau industriel au minimalisme synthétique qu’il est l’un des seuls à arpenter ; une forme de hip-hop puissamment chaotique sur lequel son flow charismatique dispense rimes charnelles et philosophie ballroom. Avec une simple idée en tête : “Keep the dancefloor jumping”.
Album LESS IS MOOR (ZFK Records/PIAS)
Concert Le 27 mars, Paris (Badaboum)
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