Emouvant comme jamais, Jerry Lee Lewis offre une cure de jeunesse ahurissante à ses vieux os comme au rock. Encore des chansons sur les voitures (Crow Victoria Custom 51) et les filles (Young blood). Nostalgie nigaude et oiseuse ? Rien n’est moins sûr. Au milieu des années 50, le sud des USA, en proie à […]
Emouvant comme jamais, Jerry Lee Lewis offre une cure de jeunesse ahurissante à ses vieux os comme au rock.
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Encore des chansons sur les voitures (Crow Victoria Custom 51) et les filles (Young blood). Nostalgie nigaude et oiseuse ? Rien n’est moins sûr. Au milieu des années 50, le sud des USA, en proie à un sournois prurit, ose enfin se gratter le pubis. Il en jaillit de belliqueux morpions, aucun ne sera plus vorace que Jerry Lee Lewis, péquenaud pugnace natif de Ferriday, Louisiane. Marié à 14 ans, bigame à 16, couvert d’opprobre en Angleterre lorsque les tabloïds découvrent que sa troisième femme, vieille de treize printemps, est également sa cousine (et la fille de son bassiste), Le Killer (surnom d’autant plus mérité que ses épouses suivantes ont eu tendance à trépasser dans des circonstances louches) maintes fois donné pour mort, est décidément insubmersible. Répertoire riche d’un bon millier de chansons (il en a composé une demi-douzaine tout au plus), grand potentat du piano épileptique et des arpèges assassins, ce dévot au chant de démon a aujourd’hui une voix de possédé érotomane à faire passer les Cramps pour des communiants inhibés. Il n’avait pas enregistré en studio depuis des années et, pour ce retour en fanfare, il est assisté d’Andy Paley, un des producteurs téméraires qui aidèrent Brian Wilson à sortir de son bac à sable. Avec ce Young blood (titre d’une chanson des Coasters, apologie mal voilée des amours à peine pubères), qui démarre par le I ll never get out of this world alive d’Hank Williams ? un des rares maîtres qu’il se reconnaisse ? Jerry Lee Lewis a concocté un disque sévèrement savoureux, destiné à susciter l’ire des diététiciens du son. Musicalement truculent (s’y côtoient un guitariste de Presley et celui des Cars), gastronomiquement incorrect (l’irrésistible fumet white-trash du Maman fait cuire du poulet frit dans la graisse de bacon, sur Down the road a piece) et doté d’un sens très strict de la littéralité (Gossbumps donne effectivement la chair de poule), Young blood épate. La country s’y porte comme un charme (Miss the Mississipi and you), le rock’n’roll, réputé arthritique, voire taxidermisé par les Stray Cats de tout poil, y envoie valser canne et béquilles avec une belle verdeur. Jerry Lee Lewis avait souvent été excitant, ici, à force d’entêtement et de panache, il devient diablement émouvant, comme ces mauvais sujets chenus et héroïques que sont Sean Connery dans La Rose et la flèche ou Paul Newman dans Juge et hors-la-loi. Young blood, un de ces disques précieux dont on peut, sans jouer les Nostradamus, déplorer qu’il n’y ait guère de chances pour qu’on en écoute encore beaucoup de semblables.
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