Les Américains excentriques continuent de composer des rêves insensés de pop psychédélique.
Avant d’écouter ce nouvel album, on récite nos prières en lisant le titre, Amen & Goodbye. Cet avertissement paraît à première vue un brin excessif, jusqu’à ce qu’on plonge tête la première dans l’univers parallèle où flottent tous les albums de Yeasayer. C’est le genre de musique que l’on entend dans nos rêves les plus délirants et dont on ne garde, au réveil, qu’un souvenir fugace mais étrangement pénétrant.
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“Frotter la pop à des éléments plus atypiques, ça a toujours été notre mode opératoire, explique Anand Wilder, guitariste principal du groupe. Ça m’arrive d’essayer de glisser un son très normal de guitare, mais en général on finit par le transformer en l’accélérant, en le faisant résonner sous l’eau ou en changeant l’accordage. On a toujours trouvé ça plus facile de créer le monde sonore où on a envie d’habiter en se servant de sons un peu traficotés.”
Le cercle des doux illuminés
Originaires de Baltimore comme leurs copains d’Animal Collective, mais relocalisés à Brooklyn depuis leurs débuts, les trois multi-instrumentistes de Yeasayer font partie du cercle des doux illuminés de la pop psychédélique, aux côtés de Syd Barrett ou de Connan Mockasin. Aussi irrationnel que les œuvres de ces frères spirituels, leur quatrième album fantasque évoque autant les fonds marins que l’exotisme de l’Orient, ou les mystères de la Voie lactée.
S’ils se sont chargés de produire eux-mêmes leurs trois albums précédents, ils ont essayé une approche différente pour enregistrer Amen & Goodbye, en délégant la production à Joey Waronker, également batteur pour Beck et Atoms For Peace. Dans la région des Catskills, à deux heures de Brooklyn, ils se sont réfugiés dans un studio isolé, en pleine nature, entourés d’une ribambelle d’instruments bizarres et de quelques invités : la guitare de Delicate Steve, la voix de Suzzy Roche du trio féminin The Roches et les percussions du Brésilien Mauro Refosco (qui fait partie lui aussi d’Atoms For Peace).
“Si on ne jouait qu’entre nous, on aurait un son beaucoup plus confiné, déclare Anand. Chacune de ces collaborations nous aide à élargir notre vision et notre musique.”
Une pochette abracadabrante
Cela fonctionne aussi pour la pochette abracadabrante d’Amen & Goodbye, élaborée avec la complicité de l’artiste et sculpteur canadien David Altmejd. Après s’être beaucoup appuyé sur les nouvelles technologies pour écrire et enregistrer, le trio tente une nouvelle approche, basée à la fois sur le digital et l’analogique.
“Aucun de nous trois n’est un puriste, poursuit Anand. Ce sont souvent les erreurs et les accidents qui deviennent nos passages préférés sur un album. A titre personnel, j’ai l’habitude de travailler les sons en regardant un écran. C’est marrant d’utiliser ses yeux au lieu de ses oreilles. Cette fois, on voulait s’imposer des limites en enregistrant live et sur bande, avec tous les petits je-ne-sais-quoi que ça implique. C’est seulement après qu’on a mis tout ça sur ordinateur, pour remanier à l’infini.”
L’hésitation permanente entre dépouillement et abondance donne tout son charme à cette odyssée pop qui chamboule les sens.
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