De sa voix unique au timbre usé et délicat, Bill Ryder-Jones murmure sa résilience. Un nouvel album solo d’une beauté patraque mais éblouissante.
Avec sa voix écorchée, ses mélodies intimistes, sa sensibilité à fleur de peau, sa dextérité de multi-instrumentiste et son physique de Petit Prince déchu, Bill Ryder-Jones pourrait devenir l’un des grands songwriters du rock indé moderne. Indéniablement, il en a le potentiel, mais en a-t-il l’ambition ? Pas vraiment, ce trentenaire préférant de loin l’ombre et la discrétion à l’appel des spotlights. Tant mieux : sa musique s’en porte à merveille depuis qu’il a démarré sa carrière solo, après avoir été, pendant toute son adolescence, le guitariste surdoué de The Coral.
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Une modestie propice à la création
Au début de son échappée solitaire, Bill a d’abord eu l’humilité de s’effacer derrière des instrumentations aussi riches que crépusculaires. Il s’est ensuite mis à chanter et on a découvert son timbre unique, à la fois usé et délicat, qui murmure des paroles introspectives sur tous ses albums. Le dernier en date, Yawn, s’éloigne du format rock plus traditionnel du précédent (West Kirby County Primary, sorti en 2015) pour se plonger dans le slowcore et le slacker rock. On pense donc à des artistes comme les Red House Painters, Low, Sebadoh, Michael Head ou même Lou Reed pour cette alliance entre splendeur et tourments.
Une conscience aussi sincère que pure
“Ces trois dernières années, je me suis senti stable et en bonne santé, explique l’Anglais, qui a surmonté de nombreuses périodes sombres. J’ai envie que ça continue. La dernière chanson du nouvel album s’appelle Happy Song. Elle parle de la pression que je me mets pour écrire une musique moins mélancolique. Parfois, je me dis que j’ai 35 ans, que je n’ai pas grand-chose et que ma vie serait plus simple si j’écrivais une chanson pop qui passerait à la radio, mais au fond je sais bien que ce n’est pas mon truc. En ce moment, je compose beaucoup, j’aime ce que j’écris et je sens que je n’ai besoin de rien d’autre.” A la fois honnête et pudique dans ses conversations comme sur tous ses albums, Bill impressionne par sa résilience.
Producteur à ses heures perdues
Parallèlement à ses propres œuvres, il met souvent son talent au service d’autres artistes en se glissant dans le rôle du producteur – il a ainsi donné un coup de main au trio de Brighton Our Girl et au groupe de rock indé Hooton Tennis Club, entre autres. Chez lui, dans la péninsule de Wirral, sur la côte ouest de la Grande-Bretagne, il a enregistré et produit lui-même les dix morceaux de Yawn, dont certains accueillent les voix féminines de The Orielles et Our Girl. “Dans ma musique, je recherche avant tout la mélodie. Pour Yawn, j’avais envie que ces chansons puissent fonctionner sans voix, toutes seules, même si j’ai ensuite ajouté des paroles, qui ne devaient pas encombrer le reste.”
Mission accomplie sur ces dix joyaux où le storytelling cohabite avec un rythme ralenti et des instruments qui bercent ou bouleversent, réconfortent ou interpellent, pour exprimer toute la beauté de l’imperfection.
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