Délirantes et pleines de vie, les cinq filles de Yassassin sont en passe de conquérir le monde. Rencontre à Charleville-Mézières à l’occasion de la treizième édition du festival ardennais le plus couru du Grand Est.
C’est sans doute le plus sauvage (et le plus authentique), certainement le plus dansant (et le plus énervé, avec ses trois scènes, dont un sublime dancefloor monté pour l’occasion), indiscutablement le plus responsable (avec ses milliers de bénévoles prêts à trier le moindre gobelet, la plus petite assiette en carton, à chasser le plus minuscule mégot, 24h sur 24) : le Cabaret Vert, festival engagé et militant a battu des records à Charleville-Mézières, du 24 au 27 août.
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Environ 100 000 festivaliers, un choix inédit de bières locales et de plats régionaux (plusieurs dizaines pour chacun d’eux, dont une délicieuse croûte ardennaise, une très locale Ardiflette, un stand d’œufs dément où toutes ses variantes sont cuisinées, des boissons brassées aux alentours, comme l’Oubliette), une proposition artistique et citoyenne multiple (entre les arts de rue et ses petites roulottes multicolores, un festival de BD, de courts-métrages, de films artys et de clips diffusés sur écran géant, un village associatif et des concours en tout genre, comme le Hackathon, dédié aux nouvelles technologies), font du festival carolomacérien (le nom des habitants de la ville) « le plus incroyable jamais foulé », avouent les cinq filles de Yassassin (composé d’une Anglaise, d’une Italienne, de deux Suédoises et d’une Australienne). Basée à Londres, la formation rock, déglinguée mais pleine de tendresse déclare n’avoir jamais joué dans un rassemblement où l’accent est à ce point mis sur le développement durable. « Après notre repas, les bénévoles nous indiquaient dans quelle poubelle jeter nos assiettes, laquelle était destinée à nos couverts, celle qui était utilisée pour le papier ou nos pots de yaourt. »
Une popularité grandissante
Des découvertes surprenantes poursuivies après le repas.
« Là, je découvre dans les toilettes du papier recyclable totalement respectueux de l’environnement et un centre de tri hors normes sur place. C’est énorme ! Ça nous rend super fières de jouer dans un festival où le paquet est mis sur les problématiques écologiques. Avant de venir ici, notre entourage nous avait prévenues. Là, on le voit de nos propres yeux. »
Un jugement que partagent les cinq filles de Yassassin (qui veut dire « longue vie », en turque, pour un nom choisi en hommage à un morceau de David Bowie sur l’album Lodger) qui, ces derniers mois, n’ont pas arrêté de vadrouiller partout en Europe (et qui vont encore voyager au moins jusqu’à la fin de l’année, dont plusieurs passages en Angleterre, à Londres, Brighton et Manchester).
« Avant de venir à Charleville-Mézières, j’ai regardé sur Google Map où se trouvait la ville. Elle semblait très verte, entourée de forêts… Sur place, je ne suis pas déçue ! »
Les voyages de Yassassin s’expliquent par une popularité grandissante, forte de morceaux coups de poing (comme le coloré Social Politics, qui renvoit aux belles heures de Savages, un groupe qu’elles apprécient particulièrement) et une énergie sur scène sans limite. C’est ici que l’expression du groupe prend toute son ampleur. Au Cabaret Vert, leur furia n’a pas vrillé, laissant bouche bée un public curieux et finalement hagard face à l’imagerie post-punk travaillée par le groupe. C’était Londres à Charleville-Mézières, Brighton en Ardennes quand tour à tour, le quintette a déjoué tous les pronostics en emballant littéralement son monde, dans des tenues éclatantes de couleurs, débraillées mais pas trop.
Le Cabaret Vert fait le plein de pépites locales
Parmi les messages importants du groupe : l’amour de l’autre, le respect des siens, du monde, l’envie de bien faire. Loin d’être naïfs, dans la bouche de ces cinq jeunes femmes enflammées, ces élans redonnent du souffle et font violemment écho aux allées toujours plus grandes du Cabaret Vert. Une innocence assumée caractérisée dans sa programmation, qui n’oublie jamais les groupes du coin, comme l’une des pépites locales montantes, avec les Rémois de The Underdog Effect. Une étendue à laquelle ont fait honneur les chiens fous de Band of Horses (pour un formidable set lumineux, doux et réchauffant), l’électricité flambante de Justice, la folie de Vald (dont la présence sur scène, juste impeccable en quasi solo, fait comprendre la bête et l’intérêt grandissant qui s’en empare), la puissance vocale et technique de The Noface.
« Jouer sur scène, en festival, devant autant de gens est une opportunité incroyable, » relève les membres de Yassassin. « Cela nous permet, non seulement de communier avec la foule, mais de diffuser les messages qui nous tiennent à cœur. Nous faisons partie des gens pour qui discuter des questions climatiques est capitale. Ce type de festival est une plate-forme parfaite pour cela. »
Décidément, les Ardennes font des siennes et l’implantation de cette grande fête intensifie sa position green, année après année. Plus qu’une posture, elle est une obligation pour un festival qui, dès le départ, restait ferme face aux grandes marques de l’agro-alimentaire (en ne proposant aucun de ses produits sur place). Un positionnement sans folklore, bienveillant et tellement essentiel, qui laisse à penser que ces sangliers indomptables n’ont pas fini de taper du poing sur la table… ou du groin sur la pelouse. « On espère revenir jouer ici l’an prochain », concluent avec espièglerie Anna, Joanna, Moa, Raissa et Ruth. Le rendez-vous est pris.
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