A l’occasion du festival Fireworks, le Nouveau Casino proposait une double affiche particulièrement intrigante : le shoegaze mâtiné de pop 60s de Crystal Stilts contre la surf-pop à tendance rappeuse de Only Real. On y était, et on vous raconte.
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–>Ne parlons pas de pluie, mais plutôt de crachin, cette nuisance légère pas si désagréable mais somme toute assez inoffensive qui nous accompagne jusqu’aux portes du Nouveau Casino ce jeudi soir. Le crachin, dont on pense pouvoir se débarrasser une fois entrés dans les enceintes de la salle parisienne mais qu’on retrouve sur scène, personnifié par les jappements de Only Real entre chaque chanson; le chanteur de l’Est londonien semble vraisemblablement avoir érigé le dilettantisme en profession de foi.
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Only Real, en vacances
D’emblée, la voix semble trop et pas assez là à la fois, dans une entreprise forcenée de branleur en relâche : les musiciens semblent tout droit sortis de leur garage, et ont l’air de jouer plus pour eux-mêmes que pour le public. Ils se marrent tout de même, l’air de rien ; plus tard, lorsqu’on les croisera aux toilettes, le bassiste s’épanchera longuement sur la musique de son comparse : « just a crock of shit, bruv ». On l’aura compris, Niall Galvin et ses potes font dans le potache, et ça pourrait être super, s’il n’y avait constamment cette tendance à forcer le trait du je-m’en-foutisme cool. Casquette à l’envers, ourlets aux jeans, le groupe a effectivement la gueule de l’emploi. Et puis on en vient encore à ces aboiements entre les chansons : franchement pénible.
La crétinerie affichée n’est pas un handicap dans la pop-music (c’est d’ailleurs une valeur qui se perd), mais lorsqu’elle est à ce point appuyée, ça la fout vraiment mal. C’est d’autant plus dommage qu’il y a de belles fulgurances : quand vient Backseat Kissers, vrai tube ensoleillé qui sent la bière fraîche et l’attrape-filles peu farouches, on a méchamment envie de se poser sur le perron et de s’en allumer une. Dans ces moments-là, le crachin devient rafraîchissant : constamment sur la corde raide, à deux doigts de se casser la gueule mais retombant toujours sur ses pieds.
Où est le problème, alors ? Probablement dans l’incapacité de la musique à s’épanouir. Deux instances sont en lutte : d’un côté, un flow languissant à l’accent à couper au couteau, rap jardinier hasardeux dont le charme réside paradoxalement dans la maladresse cabocharde. De l’autre, une indie-pop pas piquée des hannetons, crâneuse et nonchalante, trop belle pour être vraie : deux postulats qui se tirent la bourre et s’empêchent de concrétiser. On aimerait beaucoup que Niall Galvin sorte de ses vapeurs ; à trop vouloir jouer la carte branleur, on va finir par croire que son attitude trahit en définitive un cruel manque d’assurance. Dommage, car Cinnamon Toast, superbe chanson façon Cocteau Twins sans atermoiements, nous aurait presque donné envie de changer de bord. Exécutée comme elle se doit, c’est-à-dire de manière languissante et charnelle, elle emporte définitivement notre adhésion. Allez, on lui donne le bénéfice du doute, au rouquin, et on attend son premier album qui ne devrait pas tarder.
Crystal Stilts, étonnamment plein de vitalité
On se boit une pinte et on revient pour le gros de la soirée. Un vrombissement lointain commence à se faire entendre : l’introduction est lente et longue, et la tension monte crescendo. Les Crystal Stilts sont sur scène, tout de noir vêtus, et s’accompagnent d’un tissu sonore bruitiste et lancinant. Claviers, pédales d’effet, toms de batterie : l’instrumentation concassée fait grimper l’attente. Les cinq de Brooklyn enchainent alors les chansons, placés devant un visuel hypnotisant. Montagnes, vallées, désert : l’arrière-plan illustre le caractère désossé de la musique du groupe dernièrement signé chez Sacred Bones.
Au moment où le vocaliste Brad Hargett commence à chanter, il faut nous rendre à l’évidence : le son est proprement dégueulasse. Un constat vite contrebalancé par la satiété avec laquelle le quintette interprète le premier titre : net, précis, carré, en place. Si le groupe a pu être passionnant sur disque, la scène n’a jamais été son terrain de prédilection. Mains dans les poches, indolent, Brad Hargett n’est pas exactement le frontman le plus fédérateur au monde ; néanmoins, on ne va pas demander à un groupe dont la musique est si ouvertement désincarnée d’assurer un show pyrotechnique.
Peut-on parler de groupe maudit lorsque l’on évoque Crystal Stilts ? N’ayant jamais véritablement connu le succès, et en regard d’un dernier album décevant, on s’attendait à voir un groupe fatigué, sur la pente descendante. Il n’en est rien, et même si la tension fluctue notablement pendant le concert, le groupe semble soudé, sûr de son fait et déterminé. Shake the Shackles est interprétée de façon magistrale, toute en nervosité. Le delay sur la guitare de Star Crawl est renversant, tandis que Future Folklore est exécutée en fanfare. Entre les morceaux, le groupe offre des interludes étirés, faits de modulations et d’oscillations ad hoc.
Il reste tout de même fidèle à sa réputation de performer inégal : le rythme baisse, l’attention est ailleurs. Ces contrepoints ne s’avèrent au final pas rédhibitoires, car ils sont relativement rares et courts. Brad Hargett boit de l’eau, ne semble pas pressé d’en finir, on met du temps à réaccorder la guitare, puis le rappel arrive. On finit par Love is a Wave et Sugarbaby, deux morceaux qui rappellent l’excellence du groupe. Les chansons plus récentes font à côté pâle figure, mais qu’importe : si on considère aujourd’hui Crystal Stilts plus comme un groupe de scène que comme un groupe à disques, alors on en a définitivement pour son argent.
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