Programmer du folk passé minuit est-il judicieux ? Le chanteur de Moodoïd chante-t-il juste ? Panda Bear est-il un chouette berceur ? Éléments de réponse.
On le savait en décortiquant sa généreuse programmation : par son parti pris original (trois soirées, dans trois configurations d’écoute différentes pour le public), le bien nommé festival Assis ! Debout ! Couché ! proposé le week-end dernier à Nantes par le Lieu Unique allait difficilement pouvoir contenter les spectateurs assidus enchaînant les trois soirs.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
De ce trio de propositions, la première soirée (assise, donc) restera clairement la plus faiblarde. Venu de Chicaco, le groupe Pillars and Tongues a ouvert les hostilités (un terme bien mal choisi vu la douceur ambiante, certes) à grands renforts de violon et harmonium pour un set folk convenu. Cette introduction peu mémorable laisse place à l’événement de cette soirée assise avec l’arrivée sur scène de Pascal Bouaziz. Son groupe Mendelson n’a pas eu besoin de coller de feuilles rappelant la setlist du concert, celui-ci se limitant à une seule chanson de 55 minutes, Les Heures.
PNC aux portes
Voix caverneuse, le pilote Bouaziz commence par indiquer les sorties de secours et annonce « PNC aux portes » avant d’enfiler sa casquette imaginaire de commandant de bord en lâchant « bon courage ». La performance démarre quasiment dans l’obscurité, avec un éclairage aussi minimaliste que la musique accompagnant la logorrhée du chanteur. Lorsque l’interminable texte commence à s’afficher via vidéoprojection, façon karaoke-PowerPoint de soirée hypokhâgne, on s’interroge sur le bien-fondé d’un tel dispositif scénique, certes utile pour bien saisir la prose de Bouaziz, mais définitivement peu immersif. L’explosion finale, avec uniquement les musiciens sur scène – déchaînés –, achève l’expérience sur une touche jouissive, mais rien n’y fait : 60 ans de pop culture et de morceaux de 4 minutes nous ont sans doute trop formatés pour qu’une telle proposition puisse véritablement convaincre. Bizarrement, personne n’a réclamé de rappel.
Passons rapidement sur Josephine Foster – ses vocalises infernales nous ont terrassés d’ennui – pour finir sur Sun Kil Moon. Le groupe de l’hyperactif Mark Kozelec livre un set impeccable, mais le line-up de la soirée, ajouté aux retards accumulés, fait débuter son concert après 0h30. Et franchement, qui a envie de se fader un groupe de folk passé minuit ? Sûrement pas les joyeux lurons ayant déserté la salle pour se dandiner devant Sonic Boom (aka Peter Kember, des psychés Spacemen 3) dans le bar du Lieu Unique.
The Streets vs Dumb & Dumber
Samedi, tout le monde debout. Les deux branleurs anglais de Sleaford Mods ouvrent la soirée avec leurs hymnes comme Urine mate, welcome to the club. Imaginez les deux gonzes de Dumb and Dumber (un se sifflant des bières devant un portable en appuyant sur « play » à trois reprises, l’autre éructant en permanence « fuck off » en mimant de se branler), et vous aurez une idée de l’improbable prestation de ce The Streets version Gilles de la Tourette. « This place is too fucking big », lâchera le chanteur Jason Williamson. Pour un tel duo, sans doute, mais pas pour les quatre cosplayers-disco de Moodoïd. Si leur chanteur effraye d’abord en chantant plus faux que n’importe quelle shredded version jamais vue sur YouTube, le groupe trouve rapidement son rythme, culminant avec un De Folie Pure dément.
Le duo electro Plapla Pinky entame le virage clubbing de la soirée, poursuivi par l’excellent set d’Acid Arab dont on apprécie l’énergie contagieuse derrière les machines : rien de pire que ces DJs statiques donnant l’air de remplir un tableur Excel devant 500 paires de culs sautillant. Réunis ensemble pour la première fois sur scène sous le blase The Alexanders, Yuksek et Alex Metric amplifient l’ambiance et attisent les négociations passionnées de jeunes désargentés mendiant aux couche-tôt leur pass pour profiter de la fin de soirée.
Dimanche, la soirée couchée marque l’ultime évolution de la scénographie de la salle signée matali crasset (les minuscules sont volontaires), designer qui a disposé un peu partout des « particules de vie », comprendre des structures orange gonflables façon « brassards de bébés nageurs pour nourrissons de 60 kilos » agencées de diverses manières (dossier de chaises, oreillers, déco de plafond…). On s’étend pour découvrir minimalBougé, qui déclame un texte se prêtant bien à l’assoupissement (pas vraiment péjoratif, ici), on s’étale avec des fourmis dans les pieds devant Chicaloyoh et on hésite à se lever devant le Rennais High Wolf, une des meilleures surprises du festival mixant musiques electroniques et primitives. Le rendez-vous prend fin avec l’union sacrée de Panda Bear et Sonic Boom : alors qu’on craignait une débandade autiste, le duo a cloué notre bec d’infidèle en livrant un set si poétique et si beau qu’on l’aurait même apprécié debout.
{"type":"Banniere-Basse"}