Têtes d’affiche du Global Citizen Festival, Beyoncé et Jay-Z se sont produits dimanche 2 décembre à Johannesburg, en Afrique du Sud. C’était le premier show d’envergure du couple sur le continent africain.
Main dans la main, Beyoncé et Jay Z descendent des hauteurs du grand stade de Soweto, encadrés par deux immenses croix lumineuses. Une vision divine, accueillie par les cris de joie du public sud-africain à bout de nerfs. Toute l’après midi une pléthore de stars planétaires, d’hommes d’affaires philanthropes et de politiciens venus du monde entier ont défilé sur scène pour célébrer le centenaire de la naissance de Nelson Mandela, lever des fonds et tenter d’enrayer la pauvreté dans le monde. A une semaine des grandes vacances d’été, les sud-africains ont du mal à cacher leur impatience face à cet ambitieux (et long) programme à l’américaine qui ne fait que retarder l’apparition de Beyoncé.
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Vers 21h30, après un énième discours et une intervention surprise d’Oprah Winfrey, le comédien Dave Chappelle annonce finalement l’arrivée imminente des Carters. Quelques minutes plus tard, la voix puissante de Beyoncé résonne sur les premières notes de Holy Grail, ouverture d’un show de près de deux heures, reprenant en partie leur tournée On The Run 2. Seules les vingt-cinq premières minutes de la performance sont retransmises en direct à la télévision, au grand dam de ceux qui n’ont pas pu obtenir leur entrée dans le stade (la plupart des billets étaient distribués gratuitement, en échange d’actions citoyennes). Un extrait assez long pour apprécier le rap millimétré de Beyoncé sur Apeshit, avant que Pharrell Williams rejoigne Jay-Z pour se lancer dans une reprise de I just Wanna Love U (Give it 2 Me). Puis c’est Ed Sheeran – également à l’affiche de ce Global Citizen Festival – qui apparaît guitare à la main pour Perfect, son duo avec Beyoncé. La performance d’un chœur de jeunes chanteurs sud-africains sur Halo finit de bouleverser le public déjà à fleur de peau.
L’Afrique omniprésente
Sur scène, l’Afrique est omniprésente et Queen B démontre une fois de plus sa capacité à absorber les références culturelles les plus pointues dans la mécanique bien huilée de son spectacle. Aux visuels mettant en scène la cavale fantasmée du couple de stars, sont intégrées d’autres images immédiatement identifiables par le public local : celles de la tour Ponte, le plus célèbre gratte-ciel de Johannesburg, ou une vue aérienne de l’immense stade FNB de Soweto planté au milieu des terrils jaunes et des nappes d’eau contaminée du sud de la ville. Queen B est ensuite rejointe par les danseurs mozambicains de Tofo Tofo sur Run the World, dont ils ont inspiré la chorégraphie. « C’est si bon d’être à la maison« , lance finalement la star, le regard embué, mais sans hésitation.
« J’ai aussi vraiment adoré leurs costumes« , commente Maria McCloy, une créatrice de bijoux sud-africaine. « Sa robe inspirée des corsets traditionnels soudanais en perles, les bijoux Ndebele, l’écharpe que portait Jay-Z ou son bomber brodé ‘Madiba’ dans le dos » énumère-t-elle. Jay-Z a même revêtu une veste en cuir avec à la manche des empiècements aux couleurs du drapeau sud-africain et au dos.. les armoiries de la province du Gauteng, la région de Johannesburg. Difficile de faire plus dans le détail.
« Se revendiquer de l’Afrique c’est très populaire en ce moment », estime pourtant Néo, une étudiante en anthropologie assise tout en haut du stade. « Mais l’Afrique est cool et spéciale depuis longtemps. Sauf qu’on semble le découvrir aujourd’hui, maintenant que tout le monde se dit ‘woke’ ». Mais la jeune fille prend tout de même la défense de Beyoncé, parfois accusée d’appropriation culturelle sur le continent : « Elle est juste extrêmement talentueuse. Les gens s’attendent trop souvent à ce que les femmes noires échouent et elle nous prouve que l’on peut exceller dans tous les domaines ».
Inévitable référence à Mandela
Autre passage obligé, l’hommage à Nelson Mandela, le Père de la Nation sud-africaine, dont la voix reconnaissable entre mille est diffusée à pleine puissance dans le stade. « Fermez les yeux… Pensez à Nelson Mandela… et chantez avec tout votre cœur ! » invoque Beyoncé avant d’entonner XO. Dans le public, très jeune, beaucoup sont des « Born Free », des jeunes nés après la chute de l’apartheid en 1994. La nouvelle génération noire, confrontée à d’immenses difficultés socio-économiques, a la critique plus facile vis-à-vis de Nelson Mandela, figure ultra consensuelle de la réconciliation et du pardon. « La moitié de ces stars ne savent rien de lui« , lâche David, un étudiant de 20 ans accoudé contre une barrière. « Ces gens l’ont rencontré quand il était déjà un homme célébré, mais ils ne savent rien de sa lutte pour la liberté. J’ai même l’impression que certains s’y intéressent uniquement parce que ça fait bien de dire qu’on était son ami ».
Contrairement à Oprah Winfrey, Naomi Campbell ou Sir Bob Geldof, Beyoncé résiste au moins à la tentation de ressortir une vieille photo la montrant au côté de l’icône de la lutte contre l’apartheid, qu’elle a rencontré en 2004 avec Jay-Z lors d’un concert de charité. En revanche, Queen B a bel et bien ressorti ses photos de famille, qui défilent sur les écrans géants alors que le duo se lance dans une ultime reprise de Forever Young. Quand Beyoncé disparaît finalement en agitant la main, le grand stade de Soweto s’est déjà largement vidé. Malgré le show grandiose, les sud-africains n’ont pas oublié qu’il vaut mieux ne pas trop traîner dehors la nuit à Johannesburg, même après deux heures de rêve éveillé.
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