Anna Calvi, tempétueuse comme les rafales balayant la France, jouait ce week-end au Trianon : on y était, on vous raconte.
La veille au soir, la tempête Ulla traversait la France. Le même vendredi, Anna Calvi, déjà, balayait le Trianon : l’Anglaise, adorée, a soufflé ses rafales deux soirs de suite dans la belle et noble salle parisienne. Ce samedi comme la veille, derrière elle, en fond de scène, c’est pourtant l’image d’un ciel dégagé qui s’offre aux regards. Un ciel dégagé mais un ciel de traîne, encore plein de menaces, que zèbrent parfois les éclairs électriques ou les éclats sanglants de l’éclairage de la salle : la météorologie des morceaux de l’Anglaise, sur scène plus encore que sur disque, n’est que variations totales, brutales, brises susurrés ou tonnerres dantesques, guitares tapies dans l’ombre ou électricité à aplatir les moulures du Trianon, morceaux tendres pour amours douloureux ou titres durs à faire chuter les beaux balcons de la salle.
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Les yeux, eux, n’ont d’yeux que pour Calvi, frêle Sirène dotée de la force d’attraction d’un astre géant. Ténébreuse et dominatrice malgré la touchante timidité des rares et minuscules mots qu’elle prononce entre deux titres, élégante et lynchienne, toute de noir vêtue, eye-liner et sang-à-lèvres de fille très fatale, talons hauts comme son talent, Anna Calvi est la plupart du temps quasi immobile sur scène, hormis les quelques secouages de sa guitare carnassière, quand elle déchire ses cordes avec une virtuosité parfois écrasante. Le public est sage comme une image, n’éructant d’admiration et ne hurlant son triomphe que lorsque sa maîtresse, sévère mais juste, le lui autorise : la grâce d’Anna Calvi, c’est une évidence de toujours, n’a d’égal que son autorité.
Les températures que la jeune femme balance au public passent de la glace au feu (elle reprendra d’ailleurs Fire de Bruce Springsteen), malheureusement parfois, plus rarement, par le tiède. Si Suzanne & I, par laquelle elle entame le set, si Jezebel, par laquelle elle achève son rappel, si I’ll Be Your Man ou First We Kiss, si Suddenly ou Piece by Piece, grandioses sommets de son dernier album One Breath, ont la force de la tectonique des plaques, si le western féérique ou cauchemardesque auquel on assiste redresse régulièrement les poils et humecte les yeux, la formule contrastée touche parfois, sur la longueur, aux limites de sa trop automatique répétition.
Restent cette voix de phénomène, cette force contagieuse, une présence obsédante de Méduse moderne : avant de jouer, en solo et par deux fois encore ce samedi (dans le foyer du Trianon puis au Carmen), Calvi sort de scène dans un ouragan de hourras mérités. La tempête est passée : au final, ses dégâts furent, symboliquement, plutôt magnifiques.
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