Les deux vétérans de la pop british, Andy Partridge et Colin Moulding, se sont prêtés au jeu de l’explication du nouvel album d’XTC, le petit frère électrique de leur superbe Apple venus de l’an passé : Wasp star (Apple venus volume 2). Tous les titres à découvrir en extrait !
Playground
Andy Partridge : Le sentiment d’abandon provoqué par la demande de divorce de mon ex-femme avait fait ressurgir en moi le souvenir de ces enfants capables de jouer avec toi toute une journée et qui, sans prévenir, te laissent tomber comme une merde pour suivre le premier venu. C’est ainsi que j’ai imaginé cette histoire de petite fille qui abandonne son petit camarade pour aller jouer avec quelqu’un d’autre. La cour d’école, qui donne son titre à la chanson, est un formidable camp d’entraînement : on y a tout le temps d’apprendre à battre les autres et à être battus, à manipuler et à être manipulés, à mentir, à tricher, bref, à devenir des adultes pas très fréquentables.
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Stupidly happy
AP : Cette chanson est née d’un accident. Je m’amusais à reproduire la batterie de Jumpin’ Jack Flash sur une boîte à rythmes – le fait que Charlie Watts soit totalement à côté de la plaque sur ce titre m’intriguait énormément. En tricotant sur cette boucle, je suis tombé sur le riff de guitare de Stupidly happy, sur lequel j’ai commencé à chanter les premières paroles qui me vinrent à l’esprit. La chanson était quasiment terminée. Je compose de plus en plus ainsi, en superposant différents « blocs » sur une structure répétitive puis en essayant de gérer les ruptures provoquées de façon à ce que ces dernières finissent par donner vie à une chanson.
In another life
Colin Moulding : Il y a longtemps que je tenais la mélodie et la structure harmonique de cette chanson. J’avais l’intention d’écrire un texte sur la façon dont les vieux couples se comportent, sur les toutes ces petites habitudes mesquines que l’on se plait à entretenir, mais j’avais un mal fou à le formuler. J’avais pour modèle les histoires à l’eau de rose que l’on trouve dans la country music américaine, alors que ce thème méritait un traitement à l’anglaise, plus brutal. C’est en me forçant à créer un contraste entre la forme et le fond que j’ai finalement pu en terminer l’écriture. C’est d’ailleurs ainsi que l’on devrait toujours faire.
My brown guitar
AP : Il y à quatre ou cinq ans, They Might Be Giants m’avait proposé d’écrire une poignée de chansons pour un projet baptisé The Hello Record Club : un abonnement contre lequel le groupe s’engageait à envoyer chaque année aux souscripteurs dix démo-singles exclusifs gravés sur CD par ses artistes préférés. Comme je n’avais rien de très intéressant à leur offrir, je me suis pour la première fois essayé à l’écriture automatique. C’est ainsi que My brown guitar est née. Cette chanson ne mérite aucune interprétation littéraire : elle ne signifie rien. C’est une émanation directe de mon subconscient, un hymne à « ma guitare brune », qui n’est finalement rien d’autre que mon pénis.
Boarded up
CM : Il s’agit de la première mélodie que j’aie écrite après l’enregistrement de Nonsuch, en 1992, alors que j’essayais de retranscrire musicalement l’atmosphère d’une ville fantôme de l’Ouest américain. Le texte ne m’est venu que beaucoup plus tard, en songeant à Swindon, notre ville natale, connue dans toute l’Angleterre pour être une sorte d’équivalent à votre Creuse : un trou.
The man who murdered love
AP : Cette chanson a également été composée à l’époque de Nonsuch, mais fût à notre grande déception écartée par notre producteur d’alors, Gus Dungeon. Je me souviens m’être beaucoup amusé à écrire ce texte, dans lequel l’Amour est un personnage de chair et de sang à qui personne ne donne plus de travail depuis près d’un siècle. Désespéré, il me supplie alors de lui mettre une balle dans la tête pour libérer l’Homme de sa compassion et permettre à chacun de se comporter en parfait trou du cul avec son prochain. Geste qui fait de moi une vedette internationale, mais aussi un assassin.
We’re all light
AP : We’re all light raconte l’histoire d’un type éméché qui essaie de draguer une fille dans un pub, et qui s’empêtre dans les pires métaphores métaphysico-scientifiques pour ne pas donner l’impression qu’une seule chose lui importe : le moment où il réussira à mettre sa main dans sa culotte. Il lui raconte que nous sommes tous issus d’un pet d’étoile, que les dinosaures se sont éteints en apercevant leur reflet dans un seau d’eau porté par l’homme etc. J’imagine très bien un groupe comme Yes écrire une telle chanson, mais lui donner un titre du genre « Traité topographique sur les machines à écrire » !
Standing in for Joe
CM : Ce morceau figurait au départ sur une fausse compilation de pop bubblegum américaine, que nous avions enregistrée sous douze pseudonymes différents pour démarcher incognito les maisons de disques. Après le départ de Dave Gregory, qui s’était beaucoup investi dans ce projet, publier ce disque en l’état est devenu délicat. Andy et moi avons donc décidé de faire un tri parmi les titres que nous avions nous-même écrits et de garder les meilleurs pour XTC.
Wounded horse
AP : Il s’agit malheureusement d’une nouvelle chanson sur mon divorce dont je suis sort en me sentant comme un animal blessé. Pour contrebalancer le misérabilisme éc’urant du texte, où un cheval supplie qu’on l’achève, j’ai décidé d’aborder le chant de façon très théâtrale, en me mettant dans la peau d’un type saoul soliloquant au fond d’un bar. Au final, j’ai quand même l’impression d’en avoir un peu trop fait…
You and the clouds will still be beautiful
AP : A l’instar de Stupidly happy, il s’agit encore d’une structure très répétitive, composée alors que je commençais à m’intéresser aux orchestrations acoustiques. J’y parle une fois encore de mon premier mariage, au terme duquel mon ex-femme et moi passions notre temps à boire et à nous cogner dessus – je passais surtout mon temps à l’empêcher de me frapper pour être honnête. Au final, il s’agit d’une chanson d’amour un peu perverse dans laquelle un type fait des compliments à son épouse juste après lui avoir cogné dessus.
Church of women
AP : L’idée de cette chanson m’est apparue en comprenant qu’il n’existait pas de plus belle invention sur Terre que la femme, et que si l’Homme avait besoin de croire en quelque chose, elle seule méritait tel privilège. Pourquoi donc ne pas dédier un culte à sa psychologie, mais aussi à ses seins, à ses jambes, à ses fesses ? On nous a récemment fait remarquer que la boucle d’orgue qui imite la trompette sur ce morceau rappelait la mélodie de No woman no cry, ce qui est assez savoureux dans le contexte. En ce qui me concerne, je suis très fier d’avoir trouvé une rythmique qui évoque l’ondulation d’un bassin féminin.
The wheel and the maypole
AP : Au commencement étaient deux chansons que je n’arrivais pas à compléter : impossible de finir la première, et pas moyen de commencer la seconde. Je les ai donc mises bout à bout pour voir ce qui en sortirait. Leurs structures harmoniques étaient assez proches, leurs thèmes également (en gros, un tas de métaphores sexuelles plutôt paillardes, du genre lapins, terriers, graines, vallées etc), si bien que le résultat fût suffisamment convaincant pour figurer sur l’album.
Avec l’aimable autorisation de Musidisc et de Cooking Vinyl
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