EAT ! Sous ce sigle glouton se cache un collectif d’auteurs dramatiques : les Ecrivains Associés du Théâtre. Entretien avec Xavier Durringer, auteur, réalisateur et vice-président de l’association.
En fait, non, ils ne se cachent pas. Au contraire, les voici qui prennent la pose devant le Théâtre du Rond-Point, ce théâtre qu’ils réclament à corps et à cris, et dont le Ministère devra nommer un directeur dans les mois qui viennent après le départ de Marcel Maréchal et l’échéance électorale des législatives. Il est d’ailleurs cocasse que l’on doive attendre les résultats d’un vote pour décider de l’avenir d’un théatre : comment mieux signifier, bien qu’à leurs corps défendants, les liens étroits entre la vie politique ? la polis ? et l’art dramatique, dont Hannah Harendt aimait à rappeler qu’il s’agissait de la seule forme artistique qui se préoccupe et s’attache aux relations humaines.
Toujours est-il que les membres (près de 250 à ce jour) des Ecrivains Associés du Théâtre, association dirigée par Jean-Michel Ribes, avec Véronique Olmi et Xavier Durringer comme vice-présidents, ont décidé de ruer dans les brancards. Tout a commencé de façon banale : une discussion de fin de soirée à Théâtre Ouvert, houleuse et dure il y a près d’un an. Le sentiment qui prédomine chez nos auteurs contemporains est celui d’un abandon. Au profit des metteurs en scène, au profit du répertoire classique, mais au détriment de la création. Les chiffres, implacables, leur donnent raison.
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Xavier Durringer : Que ce soit dans les théâtres privés ou les théâtres publics, les uvres contemporaines jouées chaque années sont loin de représenter les 58 % avancés par la SACD, puisqu’elle est obligée de comptabiliser les adaptations et les traductions. Vous changez trois lignes de Molière ou de Shakespeare ou vous faites une nouvelle traduction et voilà, c’est considéré comme une création contemporaine. Le vrai chiffre de la création contemporaine au théâtre, c’est 8%. Autant dire, rien. Cela fait cinquante ans que les auteurs dramatiques ne se sont pas mobilisés, mais aujourd’hui, tous ont décidé de sortir de leur tour d’ivoire, de mettre à plat tous les problèmes. On ne se bat pas contre, mais pour reprendre une place légitime à l’intérieur du théâtre.
Michel Vinaver avait écrit un Etat des Lieux de l’écriture dramatique dans les années 80 : on s’en est servi, mais pour la première fois, on se structure. Plusieurs commissions ont été créées (Rencontre avec les institutions, la presse et sponsors ; statut professionnel et couverture sociale ; édition, traduction et diffusion des textes ; la question de la formation ; la question des droits et audit des différentes mesures et institutions en faveur des auteurs ; circulation des textes et lignes de production basées sur le texte et insertion des écrivains ; réflexion sur la position défensive de l’écrivain de théâtre, diffusion et exploitation des spectacles, relation aux autres associations d’écrivains de théâtre et Internet) et on se réunit toutes les semaines. On est là pour générer de la pensée et de nouvelles formes de théâtre. Aujourd’hui, on n’a presque rien et on veut tout. A commencer par un théâtre d’écritures contemporaines vivantes, au centre de Paris. L’équivalent du Royal Court de Londres’
La liste des auteurs qui vous ont rejoint est longue ; elle réunit tout autant des auteurs joués dans le théâtre privé que dans le public. Quelle est la démarche à suivre pour s’inscrire aux EAT ?
Il faut avoir trois pièces jouées dans des conditions professionnelles et une pièce éditée. Mais pour casser ça, on met en place un système de parrainage : chacun de nous peut parrainer deux à trois jeunes auteurs. Nous sommes aussi rejoints par certains metteurs en scènes, comme Michel Didym, Robert Cantarella, Philippe Minyana
Pourquoi réclamez-vous le théâtre du Rond-Point ?
Pour créer un Centre de pensée de la culture européenne. Il serait dirigé par le collectif qui nommerait un administrateur. Outre le fait que les mises en scènes seraient toutes des pièces contemporaines, ça nous permettrait de proposer des mises en espace, des lectures avec des acteurs reconnus. On serait un repère pour le public et l’on pourrait se battre aussi pour qu’au niveau de l’Education Nationale, les pièces contemporaines soient étudiées dans les lycées. Certains d’entre nous sont au programme dans les établissement scolaires d’Allemagne ou des Pays-Bas, mais toujours pas en France Et on nous rabat les oreilles avec la francophonie
Comment réagissent les tutelles à votre demande ?
Ils nous disent : « On vous attendait. » Le théâtre a besoin de propositions, de mouvement, de changement, d’ouverture. On est là pour essayer d’ouvrir les discours. Mais on peut aussi imaginer des actions plus dures, si nous ne sommes pas entendus. Car nous sommes résolus à reprendre d’une façon légitime notre place à l’intérieur de toutes les institutions. Pour l’instant, nous demandons un acte fondateur important : la responsabilité d’un théâtre, au c’ur de Paris, dévolu à l’écriture contemporaine.
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