Radio Free Europe. Suggestive et libre dans ses mouvements, le space-rock de Broadcast réveille le fantôme des Young Marble Giants. Broadcast n’est pas Cast, des années séparant même ces deux groupes, l’un coincé en 1967, l’autre définissant déjà le son de l’année 2001 (Odyssée de l’espace-rock). Space-rock, donc, chez ces anciens abonnés aux singles distribués […]
Radio Free Europe. Suggestive et libre dans ses mouvements, le space-rock de Broadcast réveille le fantôme des Young Marble Giants.
Broadcast n’est pas Cast, des années séparant même ces deux groupes, l’un coincé en 1967, l’autre définissant déjà le son de l’année 2001 (Odyssée de l’espace-rock). Space-rock, donc, chez ces anciens abonnés aux singles distribués à la main par des labels à la confidentialité exaspérante (les très doués Wurlitzer Jukebox et Duophonic). Mais un space-rock qui, sur la Voie lactée, a préféré voyager avec le Flying saucer de Burt Bacharach, Sous le soleil exactement avec Gainsbourg, plutôt que de fréquenter les angoissés d’Alien ou les nerds top-technologie de Star wars. La navette spatiale de Broadcast ressemble au sous-marin de poche du professeur Tournesol, petite bulle maniable, légère, sans le moindre gadget technologique superflu. Un bricolage qui rappelle étrangement les colossaux Young Marble Giants, pour cette façon de tirer le maximum de peu, de faire de ces limites deux bouts d’instrument, un minuscule filet de voix féminin une aire de batifolage plutôt que la lugubre prison de la lo-fi. Aucune seconde de misère d’inspiration sur cette compilation qui possède une unité de ton remarquable quand on sait que ces neuf titres étaient destinés à ne jamais se rencontrer. La grande affaire de Broadcast, c’est l’illusionnisme : le groupe fournit une carcasse, suggère ses chansons plutôt qu’il ne les livre clés en main. Chacun peut ensuite y coller ses idées d’arrangements, ses propres désirs de violons, ses propres fantasmes d’accordéons. Car s’il n’y a presque rien chez Broadcast, on n’y entend pourtant que luxuriance et volupté. Une façon de sous-faire-entendre ses chansons qui le rapproche finalement assez de ses tuteurs officiels de Stereolab, autre groupe capable de faire sonner le tout petit comme Legrand (Michel). Mais là où Lætitia Sadier en fait souvent trop, comme effrayée par le silence, la voix angélique de Broadcast ne travaille qu’à l’éclaircie, quand se dissipent les nappes de brouillard synthétiques. Sans aucune allégeance à ces pénibles snobismes underground, elle s’autorise des petits pas de valse désenchantée (Message from home), des mélopées parfaitement présentables aux productions les plus léchées de Lynch (Accidentals ou According to no plan, deux des plus belles chansons de Julee Cruise), une grandiloquence culottée quand on est à ce point démuni (The Booklovers) ou même d’authentiques merveilles de pop aquatique (le sublime We’ve got time, qui montre à Portishead une magnifique sortie de secours à Dummy). De Tricky à Broadcast, on ne dira jamais assez à quel point les laboratoires anglais sont sur le point d’aboutir dans leur recherche d’une musique strictement sensuelle, résolument féminine.
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