Lou Reed avant Lou Reed, une compile de démos retrouvées un peu par hasard a fait surface, et se retrouve désormais sous le titre : “Words & Music, May 1965”. Retour sur cette pépite, pour les 10 ans de sa mort.
Avant de devenir Lou Reed, Lou Reed n’était que Lou Reed. Un jeune type fraîchement débarqué de sa banlieue chiante à mourir de Long Island, dans le New York du mitan des années 1960. À l’époque, Bob Dylan n’a pas encore branché sa guitare électrique et le Velvet Underground n’est qu’une vague esquisse dans la brume sale de la ville. Avant Berlin (1973) et son marécage de sang et de viscères, bien avant de matraquer ses ouailles à grands coups de feedback vomitifs avec son Metal Machine Music (1975) et avant même l’iconique et séminal album à la banane du Velvet, Lou Reed composait des morceaux folk, le genre que les habitué·es du Café Wha?, haut lieu de la contre-culture beat situé dans Greenwich Village, avaient l’habitude d’aller écouter tous les soirs après leur journée de travail.
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Disciple de Woody Guthrie, Lou Reed ? Pas vraiment, si l’on en croit le document exceptionnel déterré par le label de réédition Light In The Attic et Laurie Anderson, son ex-compagne. Que dis-je, un document, un trésor, inestimable et beau à pleurer, constitué de démos enregistrées en mai 1965 sur cassette par Lou accompagné de son pote John Cale et gardées sous scellé jusqu’ici. Soit 17 prises guitare/harmonica qui ont l’apparence du folk, toutes introduites par un “words and music Lou Reed” presque burlesque à la longue. L’apparence seulement, puisque l’on trouve dans ces artefacts en forme de journal intime les traces de toutes les déviances qui feront de l’œuvre du Velvet l’une des plus flamboyantes et des plus dérangeantes à la fois. Les indices sont là, indélébiles, irréfutables.
Premier volume
Ici, John Cale n’a pas encore contaminé les compositions de Lou avec ses pratiques d’avant-garde (à part sur l’inquiétant Wrap Your Troubles In Dreams, qui semble convoquer un piano arrangé et martelé), mais tout porte à croire que ces deux-là n’ont décidément jamais cru une seconde au mirage des utopies sixties. Du claudiquant I’m Waiting for the Man, à la reprise du Don’t Think Twice, it’s All Right de Dylan, en passant par ce Men of Good Fortune calqué sur la mélodie de The Times They Are a-Changin’ (Dylan, toujours), ce Words & Music, May 1965, premier volume d’une série que l’on espère éternelle, chamboule et nous ramasse à la petite cuillère.
Édito initialement paru dans la newsletter musique du 2 septembre
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