A quelques jours de son concert au Grand Rex (26 septembre), et alors que sa tournée française vient de débuter, Woodkid nous a accordé une longue interview. Et nous à offert un morceau à télécharger gratuitement, en exclusivité sur lesinrocks.com.
Actuellement en tournée, Woodkid s’est livré aux Inrocks.com à quelques jours de son concert au Grand Rex. Avec cet entretien, lesInrocks.com vous offrent la composition originale de Woodkid pour son dernier film avec Elle Fanning. Pour télécharger le morceau, cliquez ici.
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Peux-tu nous parler du concert qui aura lieu au Grand Rex le 26 septembre, et de cette nouvelle formule live que tu présentes dans le reste de la France depuis quelques jours ?
Cela fait un an, un an et demi qu’on tourne sur une formule avec huit personnes sur scène. Là, on a préparé un nouveau live, où on va révéler beaucoup plus de l’album, avec de nouveaux titres. Le Grand Rex c’est une date capitale pour moi, c’est la première vraie date ouverte payante à Paris. On a fait la Tour Eiffel, mais c’était un show privé. Le Grand Rex, c’est le cadeau que je veux faire à Paris, qui est ma ville. On va faire un énorme show : avec un orchestre symphonique et des projections. J’avais vraiment besoin d’allier la musique et les images. J’ai envie d’ajouter une nouvelle corde à mon arc : celle de la réalisation d’un show à grande échelle, avec un écran géant et des projections qui nécessitent des technologies assez avancées. Voilà deux mois que je suis enfermé à travailler dessus non stop. J’ai mis un point d’honneur à faire les choses moi-même sur ce live. A réécrire tous les morceaux en les adaptant pour le live, avec l’orchestre : c’est un boulot titanesque. Ca va vraiment être un moment spécial, c’est important pour moi que ce soit réussi.
Un concert comme ça, en général, ça conclut une tournée de deux ans. Toi tu commences ta tournée avec. Le projet Woodkid est vraiment à rebours de ce qui se passe aujourd’hui dans l’industrie du disque…
C’est un peu étrange oui. Je vais sortir cet album en 2013 avec l’impression de déjà sortir déjà un deuxième album. J’ai beaucoup tourné, j’ai eu un buzz avec deux singles (NDLR : Iron et Run Boy Run), j’ai connu ce qui ce passe quand tu sors un album en général. Il y a eu beaucoup d’attente à Paris, les gens étaient frustrés que je ne me produise pas ici mais en même temps c’était voulu. Je voulais pouvoir présenter un show d’une heure et demie qui tienne la route. Je suis vraiment à l’aise sur scène désormais, donc je me sens prêt à présenter mon projet à Paris et aux gens de mon entourage. On connaît l’exigence du public parisien.
Ce côté hyper attendu, comment as-tu cherché à le désamorcer ?
La solution, c’est de fournir un travail sincère avec de l’effort personnel. Ne pas arriver les mains dans les poches et se reposer sur ce qui a été fait. C’est pour ça qu’on amène une nouvelle dimension. Pour moi, travailler trois mois sur une date, c’est un investissement énorme. C’est ce qu’attendent les gens de moi. Je travaille sur des visuels en rapport avec l’histoire que je mets en place sur l’album à venir. On travaille sur une édition qui contient une sorte de bible. C’est une histoire émotionnelle, à mi-chemin entre de la prose et un essai sur les émotions, sur l’histoire d’un enfant qui grandit et qui va à sa perte. C’est plein de symboles et de métaphores. J’essaye de porter ça sur le live ; à travers des visions qui sont l’aboutissement de ma démarche artistique du moment. Ce que j’appelle en anglais les « translations », les conversions entre le son et l’image. Ça va être une sorte de galaxie en noir et blanc avec un ressort très HD, très futuriste et en même temps très old school. J’essaye de transcrire les émotions en couleur, les émotions en texture. Faire ce triangle qui navigue entre le son, les émotions et l’image. Ce que j’ai fait dans Iron, le son de ces cuivres transposé en image. Le live, c’est une projection de 20 mètres qui complète l’émotion. Ça va soulever chez les gens des choses intenses et profondes. L’idée de ce live, c’est de décupler des émotions à la fois très noires, très romantiques, et très lumineuses.
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Woodkid, c’est le projet sur lequel il y le plus d’attente, quasiment depuis Daft Punk. Ce groupe avait énormément délégué son image à Gondry ou Spike Jonze. Toi, à l’inverse, tu vas vers une démarche beaucoup plus personnelle…
Je vois ça comme un projet d’art contemporain, avec une démarche conceptuelle assez forte. On m’accuse souvent d’être trop conceptuel mais je ne vois pas en quoi ça enlèverait la qualité artistique. Ce n’est pas un projet improvisé, c’est de la construction. C’est comme si je créais une installation avec deux dimensions, l’image et le son. Au Grand Rex, il ne faut pas s’attendre à voir les clips en live Je vois tellement de projets qui sont magnifiques mais incohérents d’un clip à l’autre, d’un clip à la scène, d’une pochette à des photos de presse… On travaille réellement pour qu’il y ait une cohérence dans notre projet.
Le fait d’avoir bossé avec des artistes, comme Lana Del Rey ou Drake, ça t’as aidé ?
Surtout, le fait que mon nom soit associé à celui de Lana Del Rey m’a aidé à être plus populaire. Lana a relayé mes vidéos, en terme de promotion c’est super pour moi. Ça m’a apporté, malheureusement pour elle, la leçon de ce qu’il ne faut pas faire en terme d’empressement, de création et de rapidité de production. A savoir, surfer sur un buzz un peu trop intense. Je me sens toujours coupable d’agresser un peu trop les gens : mais c’est le prix à payer. On aurait pu s’empresser de finir l’album quand il y a eu ce buzz autour d’Iron. A l’inverse, on s’est dit : il nous faut deux ans de plus. C’est pas grave, on a tout retravaillé jusqu’à obtenir ce qu’on voulait vraiment. Lana Del Rey, c’est un très beau projet qui a souffert de son succès. Iron a explosé trois mois avant Video Games. Elle travaille déjà sur son prochain album, alors que moi je n’ai pas encore sorti le mien. Elle arrive à encaisser tout ça parce qu’elle est forte, mais moi je ne pourrais pas.
Pour Drake, c’est moins comparable dans le sens où c’est une musique différente et un public différent. C’est quelqu’un qui est déjà mainstream, et qui gagne plus en hype derrière. Ce n’est pas tout à fait le même schéma.
Woodkid, c’est quel genre musical ? Pop, mais pas vraiment…
Dans l’écriture ça reste des chansons pop. Après, dans l’arrangement, il n’y a rien de pop. Il n’y a pas de batterie, pas de basse, pas de guitare, très peu de clavier. Il y a du piano. C’est finalement une espèce de musique classique un peu future mise en forme comme de la pop. Ce n’est pas de la musique classique dans le sens niais du terme. C’est un truc très masculin, très agressif.
Tu daterais de quand la naissance de Woodkid ?
Les premières maquettes, il y a cinq ans. Mais la naissance de l’identité de Woodkid, c’est quand on a fait Iron. On s’est rendu compte que c’était ça. On a tous été surpris par cette chanson là. Plus on avançait, plus le morceau grossissait comme du popcorn et d’un coup, ça a surgi comme une évidence. La première fois que j’ai signé chez Gum avec Pierre Le Ny, moi je disais : « je veux faire la musique de Péplum ». Beaucoup de cuivres. J’ai envie que les gens qui écoutent ces chansons aient l’impression d’être des héros. C’est une musique qui donne vachement de force. Les gens écoutent en courant. On a été utilisé aux JO, dans une publicité Nike. Il y a quelque chose de puissant dans les intentions d’arrangement.
Le fait d’avoir envie d’être musicien et d’avoir commencé à l’inverse par la création de vidéo, c’est paradoxal…
Je l’ai pris comme un loisir. Je me suis dit c’est cool, j’aurai fait ça dans ma vie. Comme une expérience. Quand j’atteins l’aboutissement dans un domaine, j’ai tendance à l’assassiner et à aller vers autre chose. C’était au moment où ma carrière de réalisateur allait vraiment bien, je me suis dit, tiens, essayons autre chose. Je ne l’ai pas vu venir : Iron, c’est un tournant dans ma vie, vraiment.
Le jour où la vidéo d’Iron est arrivée sur Facebook, il y a eu comme une espèce de main de Dieu, le clip s’est propagé de page en page…
On a eu vachement de chance. Les gens ont vu la quantité de travail qu’il y avait derrière. Avant, je prenais ça comme une blague, maintenant, c’est plus une blague du tout. Je commence à apprécier et à prendre un pied de fou sur scène. J’ai l’impression d’avoir toujours rêvé secrètement de ça. Maintenant, ça fait sens donc je me concentre là-dessus. Aujourd’hui, la réalisation de clips, c’est plus vraiment au programme.
En France, on n’aime pas beaucoup les touche-à-tout…
Dans un cadre complètement français, je me sens toujours un peu coupable de ça. Disons que je suis une très bonne cible pour la critique. J’ai de la chance, je ne suis pas trop attaqué, on est resté assez discret. Je me sens très attaquable et je le comprends. Le côté pluridisciplinaire peut susciter de la jalousie. A l’étranger, ceux qui m’ont vu grandir dans l’image et me voient partir vers le son, ça les énerve. Mais dans la musique, il y a une espèce de fascination qui est assez chouette. Il y a un vrai rapport affectif, d’échange.
Il y a une fascination pour le projet Woodkid dans le hip-hop américain ?
Oui, c’est assez drôle. Kendrick Lamar a fait une reprise d’Iron. J’ai été approché par pas mal de gens, Drake, mais aussi Kanye West : il retweetait souvent mes images. Il y a quelque chose de très masculin, d’assez prétentieux dans ma musique qui plaît au hip-hop, le côté épique.
Sur Woodkid, tu travailles avec une très petite équipe…
Je sais ce que je veux. J’arrive avec des maquettes assez abouties et des intentions de productions définies. Je rentre en coproduction avec les Shoes, surtout Guillaume Brière. Et puis derrière, on travaille avec des gens du classique, les gens de l’opéra de Paris et du National pour avoir un son très organique sur les orchestre, qu’on a ensuite mixé avec des sons d’orchestre digitaux. Ce qui donne un son futuriste. Tout ça donne de la puissance et de la tenue, ça enlève le côté romantique. J’ai écrit beaucoup d’arrangements. Ambroise, du groupe Revolver, en a écrits aussi. Dans ce projet, y’a quelque chose qui me rappelle les années 70, les grands concept albums Pink Floyd…
…et tout ça à un moment où l’objet disque tend à disparaître…
On est parti du principe que si on faisait quelque chose, on voulait le faire à fond et qu’on se donnait du temps pour le faire. Moi, j’avais la chance d’avoir un peu de sous de côté donc je pouvais me permettre d’investir du temps là-dedans. C’est un cercle vertueux, un processus excitant et déroutant. C’est quelque chose de nouveau alors je le fais avec beaucoup de plaisir. On était tous dans la découverte, dans l’aventure. Il y a des matins où je me lève et je me dis « Qu’est ce que c’est que cette blague. Moi je suis en train de faire un disque ! J’ai des gens qui viennent à mes concerts ? ». Je ne suis pas encore complètement rentré dans le jeu.
Recueilli par Pierre Siankowski
concerts le 21 septembre à Nîmes (festival Marsatac), le 26 à Paris (Grand Rex), le 27 à Reims (festival Elektricity), le 9 novembre à Roubaix (festival Les Indisciplinées), le 10 à Roubaix (Ground Zero)…
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