Adulé aux États-Unis et révélation de l’année, le Français Woodkid est en concert ce soir au Grand Rex à Paris. Prélude à une grande aventure mondiale et à un premier album prévu en 2013.
Yoann Lemoine, alias Woodkid, nous a donné rendez-vous près de chez lui, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Il est installé à la terrasse d’un restaurant italien où il a ses habitudes. Chapeau sur la tête (il vient de le troquer contre son habituelle casquette mais rien n’est définitif), lunettes de soleil et bras croisés, il regarde Paris traverser l’été. Si le coeur de Woodkid appartient à Brooklyn (c’est en tout cas ce que le chanteur sousentend sur le très beau morceau qui porte le nom du quartier new-yorkais), Paris semble également pouvoir se poser en légitime propriétaire du muscle du jeune homme de 29 ans, né à Lyon.
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Le 26 septembre, Woodkid donnera son premier “vrai” concert parisien – il en avait donné un sous la tour Eiffel en janvier dernier, excusez du peu, mais celui-ci était privé. “Forcément, ça n’est pas la même chose”, explique Yoann Lemoine. Première véritable date au Grand Rex donc, pour celui dont Paris – entre autres – ne cesse de guetter les faits et gestes depuis plus d’un an. On n’avait pas vu tel engouement et telle excitation depuis l’arrivée de Daft Punk au milieu des années 90. Comme les deux Parisiens, Woodkid a su gérer les horloges. Pas de fracas, pas de précipitation. La mise en place du projet Woodkid a été pensée et pesée loin de la hype et des buzz en bois : “J’avais besoin de temps pour que le live et la musique que l’on trouvera sur le disque soient prêts. Je me suis enfermé pendant deux mois pour préparer ce concert. La solution, c’est de travailler d’arrachepied pour donner une vraie cohérence au projet Woodkid, qui, on va s’en apercevoir lors du live au Grand Rex pour lequel j’ai énormément bossé l’aspect visuel, dépasse la musique.”
C’est en 2011 que Woodkid a frappé pour la première fois, avec Iron, un premier titre à la classe fulgurante, devenu un classique dès la première écoute. Il était accompagné d’un clip en noir et blanc d’une étrange beauté, où l’on croisait la top model Agyness Deyn, un rapace et des hommes vêtus de cuir. Un clip, réalisé par Yoann “Woodkid” Lemoine lui-même, qui s’était échangé comme un petit miracle sur les réseaux sociaux. Jusqu’ici inconnue, cette musique avait gagné le monde comme dans un rêve. Sa voix profonde, ses cuivres, ses cordes et ses rythmes tribaux s’emparaient de l’auditeur avec un naturel déconcertant. En quelques minutes se créait entre Woodkid et nous une familiarité inédite : comme s’il avait toujours été là, comme si sa musique, cette année-là, à ce moment précis,avait été une évidence, une révélation d’une modernité troublante.
Pourtant, la musique n’a pas toujours été dans les plans de Woodkid. Le jeune homme, avant de saisir un micro, a donné dans le clip. Yelle, les Mistery Jets, Katy Perry (la vidéo moite de Teenage Dream, c’est lui) ont été parmi ses premières réalisations phare. Depuis la sortie d’Iron, les choses se sont accélérées. Tout en continuant à travailler sur son premier album, dont on reparlera en 2013, Woodkid n’a pas cessé d’exercer son activité de clippeur. Il a réalisé le très beau Wastin’ Time pour ses copains des Shoes (qui, eux, travaillent activement sur son premier album), un clip pour le mastodonte Drake (Take Care, pour lequel il a été nommé sans succès aux MTV Video Awards) et surtout deux écrins très contemporains pour Lana Del Rey (Born to Die et Blue Jeans). Une Lana Del Rey dont il a été très proche en 2011 (certains journaux à scandale allaient même jusqu’à parler d’une idylle, ouais), et dont il a pu observer, avec beaucoup de détachement et de précision, la trajectoire chaotique : “Lana, ça m’a beaucoup servi. Le fait que nos noms soient associés m’a aidé, évidemment, et malheureusement pour elle cela m’a aussi montré ce qu’il ne fallait pas faire en termes d’empressement et de rapidité de production. On aurait pu sortir l’album après Iron, mais on a décidé de se donner deux ans.”
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Ses convictions en poche, et l’expérience malheureuse de sa pote Lana en ligne de mire, Yoann Lemoine a donc décidé de jouer avec les délais. Quelques mois après Iron, un deuxième single est arrivé en renfort, Run Boy Run. Sorti au mois de mai, le titre est rapidement devenu le running hit des JO. Pas un sujet télé sans que la chanson du Français ne soit choisie pour illustrer une médaille d’or – Usain Bolt en tête. Lemoine s’en amuse. “Pour être honnête, on n’avait rien calculé, mais c’est vrai que ça tombait bien.”
Tout au long de cet été, et après une première tournée mondiale discrète (qui l’a pourtant mené un peu partout, des États-Unis à l’Angleterre en passant par l’Allemagne ou la Belgique), Woodkid et sa clique se sont enfermés pour avancer sur le premier album et sur les concerts qui vont le précéder – vous remarquerez que les artistes procédaient jadis dans le sens inverse, mais ça c’était au XXe siècle. Woodkid appartient définitivement au XXIe. Sa clique, ce sont les Rémois de The Shoes bien sûr, Benjamin Lebeau et Guillaume Brière (auteur avec G. Vump, qu’il forme avec un autre Rémois, Brodinski, d’un remix fou d’Iron), mais aussi Sebastian, Tepr (aussi membre de Yelle) ou Ambroise de Revolver.
Une superteam qui avance en secret sur l’un des disques les plus attendus de ces dernières années, et dont Woodkid parle très peu. Il confie simplement : “J’ai les qualités et les défauts du réalisateur : je sais ce que je veux. J’aime travailler avec des gens que je connais et dont je respecte le travail. On s’est enfermés au studio de la Grande Armée avec les Shoes et on a enregistré des heures et des heures de beats, de percussions. On a aussi travaillé avec des gens de l’Opéra de Paris et de l’Orchestre national de France sur la partie plus symphonique. Ça va faire un mélange qui me plaît.”
Préférant mettre les choses dans l’ordre – ou le désordre, comme vous voulez –, il insiste sur le rendezvous du Grand Rex, que les indiscrétions chopées du côté de Reims où le raout se prépare en secret (à la Cartonnerie) annoncent grandiose. “Les concerts de Woodkid seront quelque chose de totalement inédit, lumière, son, image, tout va se mélanger dans une sorte d’apothéose. On va retrouver sur scène la notion de perfection que Woodkid essaie d’atteindre dans ses clips. La perfection est quelque chose qui le fascine, il le dit souvent en interview”, explique son pote Guillaume Brière des Shoes.
Leonard Cohen, que la voix profonde et engageante de Yoann Lemoine évoque aux entournures, expliquait vouloir prendre Manhattan en premier, puis s’occuper de Berlin (dans First We Take Manhattan). Woodkid, qui a, lui, déjà mis une bonne partie de la carte à ses pieds, s’est fixé comme objectif, au moins pour les mois à venir, de conquérir Paris (et quelques autres villes françaises, pour une tournée qui suivra). Le monde attendra son tour.
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