Le Québécois Patrick Watson continue de marier songwriting folk et musiques improvisées avec une élégance rare. Et sort un troisième album de vieille classe.
« Pour mon père, la musique venait du ciel. Si tu habitais dans une ville, tu ne pouvais pas l’entendre.” Est-ce parce qu’il a grandi dans la petite bourgade d’Hudson, loin de la plus grosse et bruyante Montréal, que Patrick Watson, leader de ceux qu’on appelle désormais Patrick Watson & The Wooden Arms, a très tôt fait ses gammes, commençant l’apprentissage du piano à 10 ans à peine ? “C’était une petite ville dans les bois, avec un bar, un supermarché, une petite église. J’y ai eu une enfance très heureuse. Mon père était pilote, ma mère, qui avait cinq enfants, était nourrice. J’écoutais ma musique en me baladant en forêt. Je faisais de la musique à l’église, je participais aux petits concerts de la ville. Vivre dans une petite ville fait que les choses changent peu. A Hudson, on gardait les mêmes amis toute sa vie. Je pense qu’on retrouve ça dans la musique que je fais, une certaine affinité pour les choses qui durent.”
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L’affinité est contagieuse : Wooden Arms, le troisième album qu’il signe aujourd’hui avec ses acolytes québécois, pourrait bien être, à son tour, votre ami pour l’éternité – il assure formidablement la relève du pourtant déjà très acclamé Close to Paradise, qui avait valu aux Québécois des cascades de critiques élogieuses dans la presse internationale il y a deux ans. “Malgré ça, on n’était pas vraiment contents, on voulait faire mieux. On jouait tellement mieux en live. Close to Paradise était très pop et manquait de musique instrumentale, ce qui est notre spécialité à la base. On voulait aussi quelque chose de plus progressif, avec moins de piano, et qui reflète davantage l’âme de nos concerts. Quelque chose de joueur. Qui sonne comme du folk de sciencefiction.”
Enregistré entre l’Islande, la France et Montréal, Wooden Arms s’ouvre sur un Fireweed aquatique et enivrant, et évoque d’emblée quelques compositions de Radiohead, de Portishead ou de Midlake. Avec eux, Patrick Watson & The Wooden Arms partagent ce don pour bouder les schémas classiques du songwriting, créer des ambiances chimériques et nager sans cesse en eaux troubles : de Traveling Salesman à Beijing, Wooden Arms propose un défilé de chansons brillamment instables, à la technique remarquable mais à l’émotion toujours gagnante. On décèle ainsi à chaque couplet le plaisir éprouvé par le groupe de retrouver le studio, ses instruments, ses machines et ses possibilités infinies après presque trois ans passés à jouer les mêmes morceaux en tournée.
“Avec les membres du groupe, on s’est rencontrés lors de nos études de musique. On étudiait des compositions classiques, des compositions jazz. Apprendre différents styles de musique, c’est comme apprendre des langues étrangères : il faut commencer par la grammaire. Ça peut être fastidieux mais plus tard, au moment d’écrire, les choses sont plus faciles. Aujourd’hui, je maîtrise les cordes parce que j’ai appris le jazz. J’aime le côté improvisé de cette musique, la spontanéité. Sur scène, on change les arrangements en permanence. Parfois, on demande au public d’inventer un titre, et on crée la chanson qui va avec. Tracy’s Waters a été composée ainsi, lors d’un concert à Montréal devant 12 000 personnes.” Crise du CD oblige, c’est peut-être plus que le nombre de personnes qui achèteront Wooden Arms ce printemps en France, et c’est fort dommage.
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