Depuis que les chroniqueurs de la petite vie anglaise sont légion, on oublie la touchante simplicité de Billy Bragg. Billy Bragg nous a manqué. Figure emblématique de la scène musicale et politique britannique des années 80, le Don Quichotte cockney a boudé la première moitié des années 90. Contre Margaret Thatcher, son ennemie intime, il […]
Depuis que les chroniqueurs de la petite vie anglaise sont légion, on oublie la touchante simplicité de Billy Bragg.
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Billy Bragg nous a manqué. Figure emblématique de la scène musicale et politique britannique des années 80, le Don Quichotte cockney a boudé la première moitié des années 90. Contre Margaret Thatcher, son ennemie intime, il avait livré de belles batailles. Armé d’une guitare, comme il sied aux protest-singers, doué d’une fougue héritée des héros (Clash, Jam) de ses années punks, d’un humour sentant bon les pubs prolos des faubourgs de Londres et d’une voix de lad éduquée dans les stades de foot, le barde de Barking avait embrassé avec panache toutes les causes perdues. Grève des mineurs, guerre des Malouines, lutte contre le libéralisme, chute du mur de Berlin… Maggie à la retraite, le parti travailliste converti aux lois du marché, le monde communiste en miettes, Billy allait-il définitivement renoncer pour se consacrer entièrement à sa nouvelle vie de famille ? Cinq ans après Don’t try this at home, l’album de sa perestroïka pop, le « jeune homme en colère » de l’ère Thatcher revient. Politiquement désenchanté, bien sûr, mais plus que jamais confiant dans la simplicité nécessaire de sa guitare et de ses chansons. Car à 20 ans, son engagement était aussi esthétique. L’aridité de sa six-cordes proposait à l’époque un antidote radical aux dérives d’une new-wave boursouflée par les surenchères. Il a gardé aujourd’hui cette rusticité, l’enrichissant d’une chaleureuse patine. S’il doit regretter leur manque d’implication sociale, nul doute que le retour sur le devant de la scène britannique de rockers chroniqueurs de la vie quotidienne Jarvis, Damon et Noel a fait chaud au cœur de ce vieil internationaliste si près de son île. Lui aussi, après tout, appartient à la lignée des Ray Davies, Costello, Morrissey et Paul Weller. A ses débuts, Billy postillonnait des textes où l’indignation politique se mêlait au désespoir amoureux. Aujourd’hui, la mélancolie nimbe chaque mélodie. Et la nostalgie politique (le somptueux From red to blue) se fond naturellement à une nostalgie sentimentale (The Fourteenth of February) et enfantine (The Space race is over) qui s’émeut aussi de tendresse paternelle (Sugardaddy). Depuis toujours, ses chansons illustrent moins un dogme qu’un humanisme rayonnant (« socialism of the heart »). Parfois, on s’assoupit un peu sur la banquette du pub, mais la plupart des titres sont animés par la gouaille et le savoir-faire d’exception de ce songwriter sous-estimé, à la fois amoureux de folk vibrant à la Woody Guthrie (son adaptation d’A Pict song, un texte de Rudyard Kipling, et les accents belliqueux de Northern industrial town), du sens mélodique de la pop insulaire et de l’intensité des musiques noires. La façon dont il plonge la sensualité soul dans les brumes d’outre-Manche doit faire pâlir Paul Weller de jalousie. Au milieu de cette collection de ballades, deux éclats formidablement cuivrés bousculent le vague à l’âme. Le très ska Goalhanger, piloté par un trombone sautillant, et surtout la jouissive explosion du single Upfield, le rhythm’n’blues blanc le plus emballant depuis que les Dexys ont rangé leur bonnet de dockers et que les Redskins ont rejoint Trotski dans la tombe.
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