L’homme-orchestre d’Arcade Fire rend hommage à ceux qui l’ont construit. Critique.
Sur les photos d’Arcade Fire, vous trouverez facilement Will Butler : c’est celui qui se cache derrière une longue mèche, derrière son frère Win et son aura aussi. Sur les disques d’Arcade Fire, vous trouverez encore plus facilement Will Butler : il tient la maison avec ses claviers ou sa basse, apportant au groupe sa puissance épique, sa force physique mais aussi des fondations stables qui autorisent tous les zigzags, toutes les digressions, toutes les conversations avec le cosmos. Accessoirement, vous trouverez Will Butler sur scène en train de faire le pitre ou le foufou électrique.
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Ne pourtant pas se concentrer sur cette image débonnaire, pétaradante, du Montréalais sur les scènes des stades : la musique est ici chose très sérieuse, intime et personnelle. Et quand après dix années de jeu collectif sans renâcler, sans chercher la lumière, il s’aventure en solo, à découvert (après la BO de Her partagée avec Owen Pallett l’an passé), ce n’est forcément pas par désoeuvrement, encore moins par caprice ou jalousie.
En huit chansons à la fois intenses et légères, chargées en souvenirs et pétillantes de jeu, Will Butler rend mille hommages aux chansons qui l’ont construit, aux musiciens qui lui ont permis de vaincre sa timidité et de franchir le pas, de monter sur scène et d’à son tour devenir idole. Car Policy est un véritable album de passeur, de transmission, sur lequel il s’est assumé en homme-orchestre car, visiblement, lui seul pouvait piger les liens secrets qui, dans son coeur de glouton de musiques, peuvent bien unir Jonathan Richman et Stax, Pixies et Wu-Tang, Go-Betweens et Buddy Holly.
http://www.youtube.com/watch?v=ryOMCA8J30o
Le souffle, si puissant et régulier sur les braises d’Arcade Fire, se fait parfois ici soupir mais aussi brutalité, réservant à de drôles de chansons lyriques (Witness, What I Want) cette manière si particulière de forcer les poings à se lever, à partager cet instant dans l’hystérie collective. Ça peut aussi se traduire par des trésors que l’on danse, sans pogo, avec la basse sur la tempe, sous influence des Talking Heads de Remain in Light (Something’s Coming) ou de LCD Soundsystem (Anna). Le mieux, pourtant c’est lors des accalmies dans ces tempêtes de têtes, quand Will, au piano ou à la guitare sèche (Sing to Me, Son of God ou le somptueux et lennonien Finish What I Started), fait le crooner dégagé, envisageant l’automne, la bonace, le repos du guerrier, avec une ferveur qui se refuse à la grandiloquence.
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