Un collectif de musiciens brode des chansons et des pochettes, et continue de faire de Clermont-Ferrand la nouvelle capitale du songwriting français. La preuve par quatre.
Si la notion de Grand Paris égaye aujourd’hui quotidiennement les discussions, celle de grand Clermont fréquente les oreilles des amoureux de folk depuis plusieurs mois déjà. Il y a un an, à peine remis des comptines folk de Cocoon, on succombait au songwriting racé de The Delano Orchestra. La petite troupe, qui sort un second album ce printemps tout aussi remarquable, n’est pourtant que l’arbre qui cache la forêt : autour d’elle et de son leader D. Delano gravitent une série de formations du coin, réunies au sein du collectif Kütu Folk.
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Or, dans la lignée du label Constellation, ce qui rassemble ces quatre groupes (The Delano Orchestra, St Augustine, Pastry Case et Leopold Skin) est moins à chercher dans les affinités musicales que dans la démarche et l’esthétique développées par chacun : le mot folk n’est pas envisagé ici dans son sens classique. “L’idée, c’était de réunir quatre artistes qui composent chacun des chansons très personnelles. C’est dans ce sens qu’on entend le côté folk : davantage dans le songwriting que dans la musique proprement dite. Un artiste comme Pastry Case fait des trucs proches de ce que tentent les gens du collectif Anticon en Californie – pas grand-chose à voir avec le folk traditionnel. De notre côté, avec The Delano Orchestra, il y a un côté un peu post-rock… L’idée était donc de défendre des chansons sincères, et pas forcément de vendre des disques. Faire des choses personnelles et aller jusqu’au bout, notamment en faisant en sorte que le artistes réalisent eux-mêmes leurs pochettes, leur artwork.”
Le dénominateur commun entre les groupes estampillés Kütu Folk ne tient d’ailleurs qu’à un fil : celui cousu, l’année dernière, par la maman de D. Delano pour orner la pochette du premier album de The Delano Orchestra A Little Girl, a Little Boy, and all The Snails They Have Drawn – technique artisanale et touchante reproduite maintes fois ensuite. “Je ne vois pas comment on peut ne pas avoir envie de développer son propre artwork. Je m’imagine mal donner ma musique à un iconographe pour lui demander de la mettre en image. On ne sait pas forcément tous dessiner mais peu importe : tout le monde essaye et créé quelque chose. La filiation, ce sont les coutures donc. Au départ ma maman les faisait. Là, on a eu 6 000 pochettes à coudre en un jour donc on a du faire appel à d’autres gens. Ma mère en a pris 500, puis on est allés voir tous les couturiers de Clermont-Ferrand.”
Une démarche commune qui au final rend chaque objet unique, à l’image d’un collectif dont chaque membre cultive sa particularité : avec Wheelchair And Jogging Suit, Pastry Case fait dans le rafistolage hip-pop ; sur Changing Plans, St Augustine réveille le songwriting d’Elliott Smith dans des folk-songs patraques. De son côté, Leopold Skin rêve de Robert (« I dreamed I saw Bob Dylan« ) tandis que The Delano Orchestra livre aujourd’hui un disque plus ténébreux, plus orchestré que son prédécesseur, mais qui continue d’emprunter la mélancolie divine de Shearwater ou Sparklehorse.
“Le premier était plein de secrets… Cette fois-ci, c’était quelque chose de plus sombre sur la vie, tout aussi personnel mais moins autocentré. L’album a été composé, enregistré et mixé dans un ordre précis. J’ai besoin d’avoir une sorte de synopsis en tête, comme un scénario.” Au diable le festival de Cannes donc, c’est à Clermont que se rencontrent aujourd’hui le grand cinéma et la haute couture.
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