Des émotions crues sur des textures electro, des voix étincelantes sur des paroles recherchées : les Anglais reviennent et ils vont bien.
En 2009, leur deuxième album, le sublime Two Dancers, réinjecte de l’élégance et de l’intelligence dans la pop anglaise moderne. On découvre alors que les Anglais de Wild Beasts n’ont pas froid aux yeux, portés par le timbre outrageusement aigu et magnifiquement maniéré de leur chanteur principal, Hayden Thorpe. Le quatuor éblouit en osant les grands écarts entre rock flamboyant et arrangements venus de l’ambient, entre vocabulaire lyrique et violence latente – d’après eux, une simple conséquence de leur vie dans la région rurale du Lake District, dans le nord-ouest de l’Angleterre.
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“L’attitude de défi de notre musique vient du fait qu’elle a été créée dans un environnement hostile à la différence, analyse aujourd’hui Hayden. Vouloir accentuer et faire des gestes effrontés, c’est notre réponse à cette répression et à cet enfermement. En même temps, vivre parmi ces montagnes imposantes, c’est une sensation très réconfortante qui s’est peut-être diffusée dans notre musique.”
Le groupe n’en est pas à une contradiction près. Relocalisé à Londres, Wild Beasts a depuis approfondi ses expérimentations sonores sur d’autres albums en s’orientant davantage vers les synthés, les beats complexes et les productions minutieuses que vers le rock traditionnel. Leurs héros, de Talk Talk à Kate Bush, reflètent bien ce renouvellement perpétuel. Malgré ces nouvelles explorations, leurs marques de fabrique se confirment, notamment le duo de chanteurs complémentaires qu’Hayden forme avec Tom Fleming, bassiste bouillonnant au timbre feutré.
« Se replonger dans cette colère qui fait partie de notre histoire commune »
Tour à tour poétiques ou crues, leurs paroles singulières sont une autre constante, avec des allitérations et des champs lexicaux d’étudiants en hypokhâgne pour évoquer des introspections sur la notion de masculinité et la sexualité.
“Je crois que c’est l’effet produit quand on se retrouve tous les quatre, confie Hayden. On se connaît depuis l’enfance et on a grandi dans un contexte d’hypermasculinité, de violence et d’agression : les hommes devaient se comporter en hommes. Aujourd’hui, ils sont plutôt jugés sur leur capacité à exprimer leurs émotions et leur sensibilité. Ensemble, on peut se replonger dans cette colère qui fait partie de notre histoire commune, tout en extériorisant des choses plus douces. Si on continue d’examiner tout ça sur notre cinquième album, c’est parce que c’est une quête sans fin.”
A mi-chemin entre profondeur et grâce
Pour ce nouvel album, Boy King, ils avouent avoir eu pour ambition de réconcilier la pop lascive et ludique de Justin Timberlake avec les ambiances industrielles de Nine Inch Nails. Enregistré au Texas avec le producteur John Congleton, loin de leurs habitudes et de leur confort, ce cinquième album assume jusqu’au bout des idées effleurées par le passé.
“On a baissé notre garde, explique Hayden. Au lieu de montrer ce qu’on pense devoir être ou ce qu’on aimerait être, on se dévoile tels quels, même si ce n’est pas beau à voir. Le reflet du miroir est beaucoup plus net, moins dans le brouillard. Il y a des musiques que l’on écoute pour avoir l’impression d’être génial, d’autres pour se sentir moins seul de ne pas l’être ! J’ai toujours adoré ce contraste entre beauté et laideur.”
Pourtant, même lorsqu’ils font tomber les masques et qu’ils révèlent le côté sombre de l’âme humaine, c’est la beauté qui l’emporte, de l’envoûtant Big Cat en ouverture, riche en rythmiques superposées, jusqu’au poignant Dreamliner en conclusion crépusculaire au piano, digne d’Antony Hegarty/Anohni. Même si on peut regretter leur statut d’éternels outsiders, leur pop à la fois cérébrale et sensuelle remet l’accent sur des valeurs trop souvent délaissées ces temps-ci – la profondeur et la grâce, entre autres.
Contrairement à leurs deux précédents albums où la soif d’expérimenter et d’effleurer l’immatériel semblait parfois atomiser l’art du songwriting, Wild Beasts renouent ici avec les mélodies et les refrains (en particulier sur les irrésistibles Tough Guy et Alpha Female). Les paroles continuent de souffler le chaud et le froid entre des propos venimeux et un langage lettré, servis par les voix délicates de leurs deux leaders. Ces bêtes sauvages séduisent autant en sortant les griffes qu’en faisant patte de velours.
concerts le 13 octobre à Paris (Gaîté Lyrique),
le 14 à Tourcoing, le 15 à Strasbourg, le 26 à Lyon
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