Le prestigieux label anglais Warp, maison mère d’une électronique sans compromis, fête ses vingt années d’activisme avec des concerts à Paris. Retour sur une prodigieuse aventure, partie de Sheffield pour bouleverser à tout jamais l’électro mondiale.
L’autre figure emblématique de Warp (“le vrai génie du label”, répète sans relâche Beckett), c’est Tom Jenkinson, alias Squarepusher. Le bassiste, très discret dans le civil, organise sur disque et sur scène un véritable chaos. Il injecte dans les ciels voilés du free jazz les secousses de la jungle la plus vrillée. Résultat : une musique aux parfums d’aventure, qui fait soupirer les fans d’acid-house et exulter les autres.
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Au milieu des années 90, le label de Sheffield élargit sa palette, en recrutant les anciens membres de The Black Dog, Ed Handley et Andy Turner, unis sous la bannière Plaid. Ed Handley : “C’est Rob qui nous a appelés en 1992, nous avons été surpris qu’il aime nos productions, très hip hop/breakbeat et radicales. Nous étions fans du son très “bleep” du label Warp, et c’est comme ça que nous avons décidé de fonder Plaid, pour passer à une musique plus expérimentale et douce. Ce que j’aime avec ce label, c’est qu’il cherche toujours à aller de l’avant, en se diversifiant. Rob (Mitchell, co-fondateur, décédé en 2001) nous manque beaucoup, il nous donnait toujours son avis, parfois dur, ça nous faisait avancer.”
[attachment id=298]Avec Plaid, la musique électronique se fait rêveuse, notamment sur Not For Threes (1997). Elle partage avec les broderies psychédéliques des Ecossais Boards Of Canada l’envie de plonger l’auditeur dans un nuage sonore aux coloris sépia. Music Has the Right to Children, en 1998, est le chef d’œuvre de Boards Of Canada, un précis d’ambient hip-hop et de mélancolie étirée façon Super 8, dont l’influence reste constante sur la musique électronique contemporaine.
Pour son dixième anniversaire, l’équipe de Warp déménage à Londres en 1999. Les années héroïques sont loin et il est temps d’élargir la palette. Le groupe pop-psyché Broadcast, les pastels folk de Vincent Gallo, la soul folle de Jamie Lidell ou le rock sensible de Gravenhurst peinent à faire oublier la disparition de Rob Mitchell.
La même année, Warp Records crée Warp Films puis en 2004 une plateforme de vente en ligne (www.bleep.com) pionnière car refusant les DRM. Le label signe dans la foulée une nouvelle vague de groupes qui, du math-rock (Pivot et Battles) à la nouvelle scène hip hop/electro de Glasgow (Rustie), des démons Flying Lotus et Tim Exile à la pop pétulante de Maxïmo Park (le plus gros succès commercial du label), augurent de bien passionnants lendemains pour un label historique qui n’a jamais paru aussi peu rivé sur son passé.
“Je ne vois pas Warp 20 comme une célébration, s’enthousiasme Alexandre Cazak de Warp France, mais plutôt comme la bascule vers une nouvelle ère pour le label, en train de se transformer en nouvelle Factory, avec le développement de Warp Films et la fusion du site internet et de Bleep.com. Avec toujours ce souci d’indépendance, d’exigence et de courage artistique.” Et, on l’espère, une éternelle déraison.
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