White is black. Abandonné au bord du succès, Drugstore relève la tête avec un album toxique et sensuel, en guerre contre la routine. De tout son long, White magic for lovers exsude un fort parfum de revanche. La revanche d’un groupe sur lui-même d’abord. Drugstore, qui a payé de quatre années de traversée du désert […]
White is black. Abandonné au bord du succès, Drugstore relève la tête avec un album toxique et sensuel, en guerre contre la routine.
De tout son long, White magic for lovers exsude un fort parfum de revanche. La revanche d’un groupe sur lui-même d’abord. Drugstore, qui a payé de quatre années de traversée du désert un premier album appliqué mais anonyme, rend hommage à la tradition mélodique anglaise mais manque de panache et de glamour pour exciter les plumes de la presse britannique. La revanche d’un groupe sur le sort ensuite, privé prématurément de label lorsque Go!Disc ferma boutique, déserté par son coeur et cerveau Andy McDonald, parti créer Independiente après un flirt catastrophique avec l’industrie lourde. A la seule présence de Thom Yorke sur ce second album (invité vocal de l’époustouflant single El President, duo dans lequel certains voient déjà le successeur du binôme Nancy Sinatra-Lee Hazlewood), on devine déjà que l’époque des vaches maigres se termine bientôt pour Drugstore. Soutenu par des fidèles, intrépide malgré la crise, Drugstore n’aura donc jamais lâché prise, trouvant dans la colère et les blessures la matière à ce second album fiévreux, dont on trouvera la ligne de force dans le texte de Song for Pessoa : « Nous cherchons tous le confort, mais nous sommes hantés par la souffrance. » La souffrance, la voix d’Isabel Monteiro y mène tout droit. D’abord arrogante, comme la Chrissie Hynde de la meilleure époque, sur le cynique Say hello, elle trébuche dès Mondo cane, écorche ses refrains sur la rudesse des guitares (Sober), avant de basculer lentement dans une folie douce (Never comes down, I don’t wanna be here without you) et de distiller la violence perverse d’un harcèlement sensuel rarement vu depuis le To bring you my love de PJ Harvey. Pour le confort, on repassera donc. Sous chaque arrangement, chaque dorure sonore (violoncelle, trompettes, samples) se cache un agent d’atmosphère toxique, un composant essentiel à ces chansons vénéneuses, ambiguës dans le dernier tiers de l’album comme les rituels festifs célébrant les morts : les unes après les autres lentement asphyxiées par une montée d’angoisse, secouées par le chaos sentimental, happées par le tourbillon du vide. Dans une fin d’album crépusculaire, éclairée par une Isabel Monteiro parée de l’élégance rêche et capiteuse d’une Marianne Faithfull pas encore abîmée par les clopes et la dope, Drugstore fantasmera logiquement le blues des coins inquiétants et canailles de la Louisiane, habités par les joueurs de rue et les petits orchestres paillards et déglingués à la Tom Waits. Un goût du danger et de la haute voltige sans filet qui fait de Drugstore le principal ennemi de la routine et un parfait accident industriel dans les contrées conservatrices du rock anglais.
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