Convalescent, James résout enfin l’équation : comment prendre des risques et vendre des disques’ Il y a dix ans, le frêle Tim Booth nous avouait le dessein de James : en découdre un jour avec U2. On avait failli éclater de rire pas lui. Impossible, à l’époque, d’imaginer ce groupe remarquable de retenue et […]
Convalescent, James résout enfin l’équation : comment prendre des risques et vendre des disques’
Il y a dix ans, le frêle Tim Booth nous avouait le dessein de James : en découdre un jour avec U2. On avait failli éclater de rire pas lui. Impossible, à l’époque, d’imaginer ce groupe remarquable de retenue et de fragilité, ce quatuor à la ferveur mystique, aux concerts intimes et vibrants, capable d’affronter le grand public dans les yeux. Tim Booth pouvait toujours prendre des cours de musculation, on était certains que le coeur ne suivrait pas, lâcherait dans la côte vers le triomphe. Mais James, devenu marchand de T-shirts et de musique les premiers plus seyants, sexy et résistants au lavage que la seconde , atteignit son but. James jouera alors dans les stades et plus seulement au football et, ce faisant, avec le feu. Pas vraiment sacré, le feu, plutôt pompier : le groupe du redoutablement charismatique Tim Booth gagne alors en taille, mais surtout en poids.
Ironie du sort, c’est encore une fois au moment précis où U2 revient aux affaires que James sort de son silence. Les premiers ayant abandonné Brian Eno pour se faire recoiffer par des amis de la musique jeune Nellee Hooper, Howie B , les seconds l’ont recueilli, une fois encore, pour ce nouvel album. Alors que sur Seven et même Laid, James exhibait sa musculature fraîchement développée, écrivant au biceps, produisant au forceps, on sent que le doute s’installe, que la chair est soudain triste. Sur Whiplash, des voix bâillonnées depuis le succès commencent à s’interroger celle de Tim Booth, surtout, visiblement à la recherche d’une ancienne folie vigoureusement encadrée depuis quelques années. Libéré par son aventure solo de l’an passé avec Badalamenti, Tim Booth lève le nez de ses certitudes et voit enfin l’inutilité de James en face. Et se retrouve bien seul : abandonné par son merveilleux batteur Gavan Whelan, par son déterminant guitariste Larry Gott, par sa patiente manager Martine McDonagh, l’heure est à la remise en question, cet ultime et grandiose orgueil de groupe en perte de vitesse qui sauva U2 de la noyade dans le ridicule après Rattle & hum. Ce n’est pas encore le coup de fouet promis par le titre le début de l’album rassurera les fans américains récents et le comptable du groupe , mais à côté de quelques obligations boursouflées (She’s a star, Avalanche ou le très Suede Lost a friend ), James se fait violence et s’impose un régime terrible : plus question de toucher au cholestérol, à la testostérone cette saloperie qui rend les hommes masculins ou aux anabolisants. Soudain, James a le muscle atrophié et ressemble étrangement à ses photos de jeunesse. Et même quand il joue, à l’occasion, avec le bullworker et les haltères de Bono (Homeboy, Tomorrow), le geste est plus élastique, plus gracieux que culturiste. Après quelques escapades plutôt réussies vers un dance-floor très glissant (le beau et fiévreux Playdead, la drum’n’bass méchamment malade de Greenpeace ou le groove glaçant de Go to the bank), James oublie même ses responsabilités et ses obligations scéniques fournir de la joie, coûte que coûte , et livre, en fin d’album, deux troublantes ballades, torturées par une flamme éteinte depuis Stutter ou Stripmine : l’intoxiqué Watering hole et, surtout, le faussement paisible Blue pastures. « Je ne vois pas pourquoi je continue/Quand tout ce que je touche vire à l’échec/J’ai l’impression d’avoir commis un crime/Mais qu’ai-je donc fait ? » Envoûtés par cette plaidoirie, on votera immédiatement l’amnistie de James, la levée du pilori.
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