Loin du rock trop étroit de ses Yeah Yeah Yeahs, la chanteuse Karen O s’offre une ravissante récréation pour la BO du nouveau film de Spike Jonze.
Il y a quelques années, dans un dîner londonien où se pressait quelques omnipotents directeurs artistiques, j’eus le malheur de commettre un crime de lèse-majesté : mettre en doute le talent des Yeah Yeahs Yeahs, que tous à table tentaient alors déspérément d’attirer dans leurs filets. Pire encore : un sens suicidaire de l’hérésie, payé sur le champs en lazzi et quolibets, me fit bredouiller que Karen O méritait mieux que son groupe malingre et qu’un album solo ne serait que justice pour une telle voix, une personnalité à l’évidence cadenacée dans un rock trop raide pour ses voltiges. Bien sûr, il y eut depuis des fulgurances inouies comme Maps ou Gold Lion pour ridiculiser mes prévisions à l’emporte pièce – Madame Soleil, un jour de pluie. Bien entendu, Nick Zinner s’est révélé un guitariste inouï, capable de tailler des dentelles dans le métal froid. Mais rien n’y faisait : on guette, avec impatience, les récréations que s’offret Karen O hors du carcan primal – et souvent, on n’est pas déçu. Entre une musique de pub Adidas onirique et une invitation sacrément honorée chez les rappeurs NASA, sa voix révèle toute une gamme sous-exploitée au sein de la maison-mère, devenue au fil des ans un trademark un rien intimidant, voire écrasant.
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En toute souplesse, loin des enjeux cruels de chaque nouvel album de Yeak Yeah Yeahs (sauver le rock, ce genre de pression), elle est ici associée à Carter Burwell, qui a composé la plupart des scores pour les films des frères Coen. Il se souvient avoir été, dans les années 80, déjà associé à une femme de caractère, au sein du duo Thick Pigeon qui signa alors avec Factory Records. Il lui offre donc prudemment la clé des champs – parfois de mines – et elle y gambade avec une naïveté, une insouciance qu’on ne lui connaissait plus. Pour son ancien beau Spike Jonze, elle retombe ainsi dans une enfance agitée entre Corée et New Jersey, renoue avec les bulles-refuges et les personnages imaginaires auxquels, veinards, ont droit les moins de 15 ans. Pas un hasard si le premier titre s’appelle ici Igloo – c’est ce besoin de refuge, de cabane que chante – ou psalmodie – cette BO bio, enregistée avec un groupe parfait, détaché, relaché, où se croisent de bons amis, prêtés par Deerhunter, Queens Of the Stone Age, Dead Weather, Liars ou… Yeah Yeah Yeahs. Une atmosphère de chorale tournant les campagnes en bus coloré, de colonie de vacances surréaliste qu’hurlent à tue-tête Heads Up ou un All Is Love, une chanson qui pourrait à elle seule remonter le moral des ménages.
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