What’s going on, chef-d’œuvre soul, est une quête de la rédemption.
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S’il est admis que What’s going on constitue le chef-d’œuvre de Marvin Gaye, on fait généralement moins cas du contexte dans lequel son auteur en reçut l’inspiration. Le début des années 70 marque, il est vrai, un moment singulier où aux utopies collectives commence à se substituer une culture individualiste et matérialiste.
Comme toutes les œuvres importantes, What’s going on est un disque qui s’inscrit dans un contexte général et rend compte d’une situation intime. La sensibilité particulière de Marvin Gaye a fait en sorte que ces deux plans coïncident magnifiquement ; elle lui dictera également la nécessité de concevoir un nouveau format qui puisse en accueillir la profondeur et l’étendue. L’album se présente à la manière d’une suite avec des liens sonores et thématiques figurant à la fois la symphonie tribale et les actes du théâtre.
Conçu comme une anomalie musicale, dans les affres de la dépression et les brumes de la confusion, ce disque ne pouvait avoir qu’un seul objectif : la rédemption. Celle du monde dont Marvin s’offre à plaider la cause dans deux moments parmi les plus poignants de l’histoire de la musique enregistrée : Mercy mercy me et Save the children ; et la sienne personnelle qu’il entame avec la confession de Flyin high (in the friendly sky), chanson où apparaît sans fard la détresse du cocaïnomane. La trame de What’s going on est celle du sermon d’église que Marvin a intégré alors qu’enfant il accompagnait son père dans les réunions de la House of God, congrégation parmi les plus austères d’Amérique. Discours de l’ange, mais aussi chant protestataire qui, entre What’s happening brother et Inner city blues, tire l’inventaire des maux du progrès meurtrier et renifle les désastres à venir. On prétend qu’il s’agit de l’album le plus chaste de sa carrière, celui où le sensuel est le moins exposé. Il demeure que la chair musicale y est singulièrement voluptueuse. Si bien que l’on finit par lui prêter de multiples offices : sur What’s going on, on peut à la fois prier, revendiquer et baiser. Trop humain et surhumain, Marvin avait tout mis.
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