Explorant depuis dix ans une sphère infiniment mouvante aux confluents du post-rock, de l’ambient, du free-jazz et de l’électro, ce groupe hors normes livre un disque de très haut vol.
Turbulente nuée musicale à géométrie variable, portée par le grand vent de l’aventure, Oiseaux-Tempête a pris son envol en 2012 sous l’impulsion de Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul, deux intrépides multi-instrumentistes parisiens – entendus également au sein de deux autres entités inclassables, Farewell Poetry et Le Réveil des Tropiques).
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Depuis l’album inaugural Oiseaux-Tempête, enregistré fin 2012 et sorti en 2013, le binôme fondateur s’est allié avec divers musiciens au gré des enregistrements et des tournées. Il faut citer en particulier Mondkopf, multi-instrumentiste tout aussi intrépide apparu sur l’album Al-’An ! (2017) et devenu par la suite le troisième élément central du projet, qu’il a contribué à orienter davantage vers l’électronique.
Musique nomade
Se mesurant à travers une discographie remarquable, riche en bourrasques exaltantes, le cheminement effectué par Oiseaux-Tempête durant cette très féconde première décennie d’existence traduit une farouche singularité arrimée à une volonté d’expérimentation sans concession.
D’une rare puissance suggestive, leur musique nomade s’affirme comme l’une des plus intenses formes actuelles de cinéma pour l’oreille. Parue en 2020, la bande originale composée par le groupe pour le film Tlamess (Sortilège), suscitant d’extraordinaires visions indépendamment des images, en témoigne de manière exemplaire.
Lui succède maintenant What on Earth (Que Diable), nouveau disque conçu par le trio Frédéric D. Oberland-Stéphane Pigneul–Mondkopf, avec la participation de plusieurs acolytes. Le plus présent est l’excellent batteur Jean-Michel Pirès, qui produit des pulsations sur cinq des neuf morceaux.
70 minutes d’une extrême densité
Alternant compositions courtes et (parfois très) longues, convoquant de multiples instruments (guitares, synthés, boîtes à rythmes, saxophone, piano, violon électrique, percussions, flûte…) et quelques voix, l’ensemble – aux remuements profonds – frôle les soixante-dix minutes.
En ouverture : Black Elephant, obsédante comptine synthétique maladive traversée par la voix de Ben Shemie (soumise à des effets variés). En conclusion, Dôme, frémissante fresque instrumentale hantée (comme une maison peut l’être) par des bruits et sons inquiétants, la pièce ayant été captée live à Beyrouth sur le site d’un complexe architectural inachevé d’Oscar Niemeyer.
L’exaltation cathartique de la vie au beau milieu d’un champ de ruines – réel ou imaginaire – apparaît ainsi in fine dans la dynamique fondamentale du monde sonore savamment accidenté, d’une extrême densité, que fait advenir What on Earth (Que Diable).
Représentant plus de la moitié de la durée totale, Voodoo Spinning, The Crying Eye – I Forget et A Man Alone (In A One Man Poem) – trois plages aussi vibrantes que prospectives, la troisième secouée par une harangue brûlante de G.W. Sok – forment un enchaînement particulièrement éblouissant au cœur de cet album sans frontière d’un (outre)noir incandescent.
What on Earth (Que Diable) (Sub Rosa/Nahal Recordings). Sortie le 28 octobre. Concert le 17 novembre à Paris (La Station).
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