Le septième album des Bunnymen est en fait le troisième album solo de Ian McCulloch. Et son premier chef-d’oeuvre. On est d’abord saisi d’une légère appréhension en découvrant la pochette où, pour la première fois en vingt ans, Ian McCulloch figure seul. Chez les Hommes Lapins, par les temps qui courent, on a visiblement du […]
Le septième album des Bunnymen est en fait le troisième album solo de Ian McCulloch. Et son premier chef-d’oeuvre.
On est d’abord saisi d’une légère appréhension en découvrant la pochette où, pour la première fois en vingt ans, Ian McCulloch figure seul. Chez les Hommes Lapins, par les temps qui courent, on a visiblement du plomb dans le râble. Réunis en grande pompe en 97, les voilà de nouveau au bord de la dispersion générale. Le bassiste Les Pattinson, retenu par ses devoirs familiaux, n’a pas souhaité poursuivre la cure de jouvence entreprise il y a deux ans avec le très acclamé Evergreen. Will Sergeant, quant à lui, se voit relégué à un humiliant rôle de potiche, comme si McCulloch avait brutalement décidé de lui faire payer les arriérés de ce malheureux faux pas de 90, l’album Reverberation, où le guitariste usurpa le nom d’Echo & The Bunnymen pour s’emparer des commandes d’un groupe alors moribond.
Bref, le septième album d’Echo est avant tout un album d’ego : dominé, vampirisé, occupé d’une extrémité à l’autre et dans tout son volume par un McCulloch ravi de pouvoir cabotiner comme il l’entend.
Mais contrairement à ses semi-ratages solo précédents (l’attachant mais fluet Candleland et le très bâclé Mysterio), cette fois il a pris soin de chaudement l’entourer, d’assurer à sa voix des arrières confortables sur lesquels elle s’étend, s’entortille, se pâme et se fond comme dans un écrin sur mesure. Jimmy Webb is God, proclamaient il y a de ça quelques mois les malheureux Boo Radleys, ce à quoi plusieurs chansons des Bunnymen se chargent ici de faire écho, à commencer par Rust, single de rêve, littéralement emporté par une rivière de cordes dont Big Jim aurait pu de son divin doigté border le lit.
Pas de sortie en mer agitée façon Ocean rain cette fois : McCulloch, au bord de la quarantaine, préfère désormais aux affrontements houleux le calme mélancolique des décors d’eau douce et des feuillages tremblants, les violons replets aux pizzicati cinglants, un amical soleil semi-couchant et à une pleine lune tueuse. What are you going to do with your life devrait logiquement s’attirer les foudres de tous ceux qui, en entendant les noms de Bacharach, Don Costa ou Mancini, sortent illico leurs gousses d’ail et voient l’écume du fiel leur monter aux lèvres. Dans les aumôneries cold-wave intégristes (ça existe encore ces cochonneries ?), on risque plus de le brûler vif que de lui brûler un cierge.
La chanson titre, modelée d’après les rondeurs sublimes d’Everybody’s talking, ouvre une voie royale, un boulevard des coeurs brisés, sous les semelles d’un McCulloch qui, dès lors, n’a plus qu’à dérouler sa foulée élégante sur neuf chansons dont aucune (hormis peut-être la surchargée Lost on you) ne lui coupera le souffle ni brisera son élan. Deux d’entre elles, parmi les meilleures (Get in the car et When it all blows over), reçoivent la visite, pour une fois très courtoise, des Fun Lovin’ Criminals, mais rien n’y change : McCulloch ne laisse pas une miette de l’album lui échapper, et à la question posée par le titre on devine à l’avance sa réponse : « Je serai Sinatra, Bowie et Leonard Cohen à la fois. » Le pire, c’est qu’on l’en croit désormais capable.
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