Faudra-t-il souligner encore une fois l’importance cruciale de ces deux pierres refondatrices que furent Spiderland, viscéral bréviaire du hardcore janséniste édicté par Slint en 1991 à l’usage des jeunes générations, et le Millions now living will never die des magiciens de Tortoise ? Même si ces tisons chauffés à blanc ont laissé sur Purr une […]
Faudra-t-il souligner encore une fois l’importance cruciale de ces deux pierres refondatrices que furent Spiderland, viscéral bréviaire du hardcore janséniste édicté par Slint en 1991 à l’usage des jeunes générations, et le Millions now living will never die des magiciens de Tortoise ? Même si ces tisons chauffés à blanc ont laissé sur Purr une empreinte indéniable, on s’en voudrait pourtant de les faire ployer sous le faix de références aussi récurrentes qu’écrasantes tant Whales lead to the deep sea s’affirme comme un premier album strictement personnel, oeuvre anguleuse et enjôleuse d’un groupe libre et sans complexe. Amalgamer Purr au pitoyable peloton des resuceurs de roues reviendrait à commettre un grave contresens, entaché de cette épaisse mauvaise foi notoirement incompatible avec l’ouverture des portes de la perception. Tout au long de Whales lead to the deep sea, palpitante accumulation d’instants chavirés, il n’est donc jamais question de raplaplagiat mais bien de la fine et nécessaire perpétuation de l’esprit (dérangé) du couple Slint/Tortoise. L’assurance in-tranquille avec laquelle Purr lance, dès le splendide Bats in the belfry introductif, une oeillade explicite (There’s a spider in here) aux forcenés de Louisville rend d’emblée le trio parisien on ne peut plus sympathique. Comparable à celle d’Ulan Bator, de Bästard ou du Watermelon Club, leur excitante démarche vise (en plein dans le mille) à injecter du sang flambant neuf dans la carcasse de ce bon vieux rock que ceux qui achètent trois disques par an disent moribond et à transcrire leur émotivité en sons basés sur l’emploi d’une syntaxe où les paroles n’occupent qu’un rôle très secondaire. Né sous le signe d’une double fascination pour les étendues océanes et certaines des créatures qui les peuplent d’une part, pour Hal Hartley d’autre part (plusieurs de ses dialogues sont ici samplés), Whales lead to the deep sea entraîne, au rythme d’une basse ondoyante, d’une guitare fureteuse, d’une batterie à la précision presque chirurgicale et d’un chant qui laisse à penser qu’il doit aussi exister des sirènes mâles, vers d’abyssales profondeurs étonnamment hospitalières. L’on remonte à la surface avec quantité de visions inédites en tête et au moins une certitude : celle de tenir là l’album de l’apnée.
Jérôme Provençal
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