Largués par Sony, les enfants terribles du rock anglais HMLTD invitent à danser sur les ruines de l’Occident.
Il serait si commode de les détester. Presque trop. Intronisés sauveurs du rock il y a trois ans du côté du sud de Londres, HMLTD ont de bonnes gueules de têtes à claques. De grosses ambitions affichées, un passage éclair chez une major terminé de façon chaotique, des polémiques médiatiques traînées comme des boulets…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le casier du groupe est déjà si chargé au moment de dévoiler leur premier disque que l’accompagner d’un manifeste long de plusieurs pages était une drôle d’idée. Dans cette note d’intention, plus grandiloquente qu’inspirante, on croise Nietzsche, le Livre de la Genèse, le djihad ou encore le mythe de Rémus et Romulus. Décidément, HMLTD ne fait pas dans la subtilité.
Une odyssée des bas-fonds
Apprécier le premier album des Londoniens demande une certaine ouverture, d’accepter que ni la logique ni le bon goût n’aient ici le droit de cité. “Les gens ont trop tendance à avoir peur de leur version la plus extrême, explique le chanteur. Ce qui nous intéresse, c’est justement d’explorer la marge la plus radicale de nos personnalités, d’être grotesques, décadents.”
West of Eden se présente dès son ouverture comme un album-concept, sorte d’opéra-rock sur la fin de la civilisation occidentale. “L’Ouest est mort et il n’y aura aucune résurrection”, déclare ainsi Spychalski sur The West Is Dead, en guise d’introduction. Les bases sont posées, ne reste plus qu’à dérouler.
Dans son rôle de maître de cérémonie, à la fois narrateur et personnage principal de cette odyssée des bas-fonds, Spychalski excelle. Jamais entièrement chanteur, le jeune homme de 24 ans à l’accent snob délicieux est un beau parleur au charisme évident, peu avare en bons mots et en refrains accrocheurs.
Habitués du Windmill, pub miteux du sud de la capitale britannique qui a permis de revitaliser le rock à Londres ces dernières années, les musiciens de HMLTD ont bien appris les leçons déviantes prodiguées par la Fat White Family. Peut-être mieux que personne. “Notre but est de mettre à jour la musique à guitare pour le XXIe siècle”, indique Henry Spychalski.
Quinze morceaux sont généreux et précis
Pour cela, le groupe n’a pas peur de faire dialoguer Skrillex et T-Rex, de mélanger les westerns spaghettis et la trap, avant, pourquoi pas, de faire un détour par un cabaret des années 1930. Dans son manifeste, le chanteur anglais évoque la créature de Frankenstein. Belle métaphore de ses chansons-patchworks. “Nous cherchons à montrer que les choses n’ont pas à être compartimentées, que les genres, musicaux comme sexuels, sont fluides”, nous précise-t-il.
Malgré ses atours de fourre-tout, West of Eden est un travail méticuleux. “Nous voulions que le disque sonne comme si nous avions eu un million de livres pour le réaliser – bien qu’on l’ait bricolé dans notre coin.” Musicalement, ces quinze morceaux sont généreux et précis, d’une cohérence inattendue. La fin du monde, sujet particulièrement traité ces derniers mois, n’a jamais été aussi dansante qu’en compagnie de ces croque-morts flamboyants.
“C’est important de réaliser que même si le monde autour de toi est foutu, il est toujours possible de rendre la vie plus belle. Même quand la catastrophe écologique point et que la situation économique est atroce, il y a des moments où l’on peut ressentir de la joie, de l’amour. La compassion, l’empathie et l’amour sont les seules choses qui peuvent nous sortir de cette situation.” Il y avait donc un cœur sous les poses et les coupes mulets.
Album West of Eden (Lucky Number/Big Wax)
Concert Le 24 février, Paris (Badaboum)
{"type":"Banniere-Basse"}