We Know About The Need

La hype, les hipsters et les touristes musicaux ont beau avoir délaissé le label Anticon de San Francisco, il demeure, au fil de sorties de plus en plus sidérantes, imprévisibles et hybrides, un passionnant vivier, un trou noir où habitudes et étiquettes sont impitoyablement happées et atomisées.

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Il est loin le temps où le label osait, avec une maladresse touchante, ses premières expériences génétiques, entre son hip-hop de formation et le folk ou le rock. Il est ainsi impossible de réduire la musique fascinante de Bracken à la somme étourdissante de ses influences, des psalmodies religieuses au folk cosmique, du psychédélisme lancinant à l’electronica vaporeuse. Car, mieux encore que chez Hood (l’ancien groupe de Chris Adams, homme seul de Bracken) ou Animal Collective, deux de ses cousins, tous ces éléments font ici corps, prennent vie, échappent dangereusement à la raison pour littéralement inventer une musique qui rend soudain vaniteuses, archaïques et rachitiques les promesses d’un outre-rock brandies ici et là par les expérimentateurs les plus visibles ? on ose même inclure Radiohead, Beta Band ou Godspeed parmi les groupes qui pourraient venir ici quémander l’illumination.

Bien sûr, ces constructions vacillantes, ces mélodies étirées, ces chants pâles peuvent sembler un rien austères, voire ingrats : il est plus facile, après tout, de vivre sans un tel disque, qui questionne impitoyablement la banalité de pas mal de nos certitudes musicales, qui attaque les humeurs au marteau-piqueur et colonise, seul, une terra incognita aussi belle que ravagée, aussi hospitalière que déprimée. Mais ceux qui n’ont jamais été certains que la ligne droite était le meilleur moyen de se rendre de A à Z tiendront-là un fameux plan de vol, qui passe par l’espace et les tréfonds de l’âme. Merveilleux.