Un sixième album au son toujours percutant et pertinent, par un groupe plus jouisseur que jamais.
C’est déjà une belle soirée d’été à Londres et, juste devant la Roundhouse, cette mythique salle de concert du quartier de Camden entièrement rénovée, la foule se presse à l’extérieur de l’enceinte. Pintes en plastique à la main, des jeunes types débordant largement sur la rue se font klaxonner. Un public surexcité pénètre dans la salle et grimpe quatre à quatre les escaliers qui mènent à la scène. Deux écrans géants sont allumés. Rares sont ceux qui ont eu la chance de jeter une oreille sur We Are the Night, sixième album du groupe, que l’on peut très raisonnablement considérer comme l’un de ses meilleurs. Les lumières s’éteignent brusquement, et ce sont de vrais hurlements qui retentissent au moment où Tom Rowlands, le brun, et Ed Simmons, le grand blond à pattes longues, débarquent derrière leurs platines. Simmons porte un T-shirt magnifique, sur lequel on peut lire en français une inscription d’inspiration situ : NOUS SOMMES LE POUVOIR.
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Le poing gauche levé bien haut, c’est lui qui envoie le rugissement vocodé de No Path to Follow, intrigant morceau d’ouverture qui plonge la salle dans une sorte de recueillement, alors que les premières mesures de We Are the Night, titre manifeste qui vient littéralement vous chercher par l’arrière-train, commencent à retentir. C’est le début d’une heure trente de guinche complètement folle, que les deux écrans géants accompagnent d’animations fraîches et fluorescentes : des lasers, des robots, des étoiles. Douze ans déjà après leur premier album, Exit Planet Dust, le son des Chemical Brothers, projeté ce soir-là avec une puissance incroyable, semble n’avoir jamais été aussi pertinent. C’est ce que vient confirmer All Rights Reserved, morceau pour lequel les deux frères chimiques ont fait appel aux wunderkids des Klaxons. Dès la première note, il transperce littéralement une Roundhouse dont le sol est déjà maculé de bière, rapport au trémoussage en règle.
Bust Generator, morceau d’une incroyable générosité, qui en six minutes à peine installe une furie sur n’importe quelle piste, sera le témoin de la non-existence de cette querelle entre Anciens et Modernes. Des gens de tous âges qui bougent leurs têtes, qui reconnaissent ou pas un petit moment de Don’t Fight It, Feel It de Primal Scream casé pour l’hommage, et qui lèvent les bras le plus haut possible quand surgissent les lasers, qui suivent le beat de la tête avec une acuité folle, qui renversent un peu de leur pinte sur le voisin en s’excusant très gentiment. C’est avec The Pills Won’t Help You Know (ah, tu m’étonnes, c’est trop tard), superbe comptine cotonneuse réalisée en collaboration avec les excellents Américains de Midlake, que les deux Chemical Brothers relâchent leur public, qui s’engouffre dans la ville, fatigué mais heureux, avec la certitude d’avoir assisté au retour en grâce d’un des groupes les plus excitants de ces dernières années. C’est déjà une belle soirée d’été à Londres, et tout le reste est à venir.
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