Avec un album façonné entre Londres et Liverpool, Wave Machines délaisse les formats pop pour surfer sur le côté obscur de la vague.
« Ces trois dernières années ont été riches à tous points de vue, dans notre vie professionnelle comme dans notre vie privée. En studio, nous avons beaucoup travaillé pour ce nouvel album. À la maison, nous n’avons pas chômé non plus : il y a eu des mariages, des fiançailles et des bébés au sein du groupe. Donner naissance au disque a été encore plus douloureux pour moi que de donner naissance à mon deuxième fils. Bon, si vous demandez à ma femme en revanche…” (rires) Tim Bruzon, tête pensante de Wave Machines, évoque ici les années écoulées depuis la sortie de Wave If You’re Really There, un premier album épatant qui avait, outre-Manche, replacé Liverpool et la Mersey au coeur du royaume pop en 2009. Chansons élastiques, mélodies indociles et refrains à galipettes : le groupe, dont le single rond et groovy Keep the Lights on n’a depuis plus quitté nos baladeurs, proposait alors une alternative sexy aux Beady Eye, Kasabian et autres élèves peu inspirés du rock anglais.
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Pour donner suite à son premier recueil, Wave Machines semble avoir d’ailleurs continué à fuir la banalité, boudant la complaisance et les autoroutes : son nouvel album Pollen est allergique à la FM, beaucoup plus pauvre en tubes évidents que ne l’était son prédécesseur. “À l’époque de Wave If You’re Really There, nous arrivions de nulle part, personne ne nous connaissait. Du coup, j’avais l’impression que le groupe se ferait davantage connaître en déployant un son très pop, très énergique et accrocheur. Maintenant que le groupe a une petite renommée, j’ai voulu prendre la liberté d’aller vers quelque chose de plus sombre, de plus intense. J’avais envie d’un album qui serait comme un long voyage.”
S’agissant de voyages, Pollen est d’abord le fruit de nombreux allers-retours entre Liverpool, où le groupe réside, et Londres, où travaille le réalisateur Lexx, qui a coproduit l’album après avoir oeuvré sur le mix du précédent. “Nous n’avions hélas pas les moyens de payer ces trajets pour tout le groupe donc j’ai fait le relais. Lexx est un producteur incroyable, moderne, qui a travaillé avec Arcade Fire ou Björk. C’était important pour nous d’avoir une personne extérieure qui tranche. Quelqu’un qui avait le pouvoir d’écarter un morceau, ou de changer totalement les arrangements d’un autre. La musique est plus importante que nos avis personnels, nos ego. C’est elle qui prime.” De retour à Liverpool, Bruzon retrouvait le groupe dans son studio de répétition, niché sous le toit de l’église St. Brides, en face de l’imposante cathédrale anglicane de Liverpool. “C’est notre repaire. Le bâtiment est toujours utilisé comme église mais aussi comme centre culturel. On y croise aussi bien des jeunes venus prendre des cours de danse que des sans-abri ou des personnes en réinsertion.”
C’est là que Wave Machines a conçu l’essentiel de Pollen, un disque au synthétisme groovy, qui évoque tour à tour Bloc Party et LCD Soundsystem, Prince et The Notwist, MGMT et We Have Band. Si le groupe a conservé son art de provoquer la bougeotte (I Hold Loneliness), il continue de danser la tête pleine, il frétille en songeant (Blood Will Roll, Counting Birds ou l’irrésistible Ill Fit). Surtout, il semble se moquer plus que jamais des formules FM. “Plus jeune, j’ai eu la chance de travailler comme assistant dans le studio de Clinic. J’ai beaucoup appris de ce groupe, que je considère comme un modèle pour Wave Machines aujourd’hui. J’admire la liberté de ton qui les caractérise, cette façon d’avancer en se moquant royalement des modes.” Dans ses textes, Pollen semble agencer la bande-son d’une époque sombre et complexe : il y est question de l’intrusion des nouvelles technologies dans la vie quotidienne, du scandale des écoutes téléphoniques en Angleterre. “J’écoutais l’autre jour le nouvel album d’Ane Brun, que lui a inspiré le Printemps arabe. J’aimerais savoir faire la même chose, écrire des chansons à partir de ce que je constate, de ce que je déplore, de ce qui me choque. Mais mon processus d’écriture est plus compliqué. Je pars d’un sentiment que j’éprouve et je construis quelque chose autour. La plupart du temps, le sens ou le message ne se dévoilent qu’à la fin…”
Pollen, le titre phare du disque, évoque la disparition de travailleurs chinois pris au piège par la vase dans la baie anglaise de Morecambe en 2004. Douce et rêveuse à la première écoute, la ballade est pareille à l’album à qui elle a donné son nom : elle est courbe et sombre dedans.
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