Autrefois sombre et analgésique, le quatuor féminin Warpaint se réinvente pour un troisième album sensuel enregistré à domicile.
L’urgence comme impératif de survie. C’est la méthode retenue par Warpaint pour enregistrer son troisième album, le bien nommé Heads up. “On a tout bouclé en quatre mois. L’écriture et l’enregistrement”, expliquent, pas peu fières, Emily Kokal (chant et guitares) et Stella Mozgawa (batterie), moitié du groupe, de passage dans les locaux parisiens de leur label. Une célérité décrétée pour soulager une formation qui, lors de sa dernière tournée, a frôlé le point de rupture. Alors, pour apaiser les esprits, cette “démocratie de dictatrices” (dixit Kokal) s’est autorisée quelques trahisons.
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Pendant un an, les filles ont chacune multiplié les collaborations et projets personnels. Jenny Lee Lindberg a ainsi pu enregistrer son premier album solo (Right on!), Theresa Wayman monter un autre groupe, BOSS, avec la batteuse Sarah Jones (Hot Chip, Yeasayer) et le bassiste Guro Gikling (All We Are) et Emily Kokal mettre en boîte un ep avec le songwriter californien Paul Bergmann.
« Il est vital de pouvoir s’éloigner »
Stella Mozgawa, quant à elle, en a profité pour poser ses fûts chez Kurt Vile, Jagwar Ma ou Jamie xx :
“C’est autant une fuite qu’une façon de nourrir le groupe, explique cette dernière. Il est vital de pouvoir s’éloigner. Etre dans un groupe implique des compromis permanents. Il faut être attentive aux sentiments des autres membres. Quand tu joues avec d’autres musiciens, tu développes de nouvelles aptitudes. Je détesterais que les filles se sentent menacées par mes autres projets. Ce ne serait qu’un argument de plus pour quitter le groupe.”
Si son album précédent avait été enregistré entre le désert de Joshua Tree et Londres, cette fois Warpaint a préféré rester à la maison, à Los Angeles. “Theresa a un fils, Jenny a un chien…”, résume Emily Kokal. Dans un même élan de familiarité, les Californiennes ont confié la production de ce troisième album à Jake Bercovici, déjà producteur du premier ep du groupe :
“On avait besoin de cette intimité. Aller dans un studio chicos avec le producteur du moment pour faire un album qui coûte un bras ? Non merci !, ironise Stella Mozgawa. Jake est un grand producteur mais il n’est pas la dernière coqueluche en date. Il a enregistré le premier ep des filles, avant que je ne rejoigne le groupe. Il connaît bien Warpaint. Il a aussi produit la première chanson que j’ai enregistrée avec le groupe, une reprise d’Ashes to Ashes de David Bowie.”
« L’herbe a vraiment été un outil utile en studio »
Le résultat ? Onze éclats d’une sensualité perturbante et vénéneuse. Un territoire pop accidenté et pourtant lascif sous lequel viennent poindre des rythmique trip-hop (By Your Side) ou r’n’b (Dre). Prenant ses distances avec la noirceur de ses deux premiers albums, le groupe vise désormais plus loin que le crépuscule : l’aube. Warpaint s’amuse, alterne caresses et morsures et mêle ses guitares réverbérées à la moiteur de The Velvet Rope de Janet Jackson (Don’t Wanna), la matrice des premiers Björk ou le savoir-faire catchy des Cardigans (So Good, New Song).
De ces mélodies rénovées et hypnotiques se dégage une remarquable odeur de chanvre. “L’herbe a vraiment été un outil utile en studio. C’était nouveau pour nous d’enregistrer un album à la maison en fumant des joints”, s’amuse Kokal. Décidément, ces Californiennes sont du bon côté de la vie.
concert le 29 octobre à Paris (Pitchfork Music Festival)
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