Ridicule quand il fait le rock et le jeune, John Cale ne sauve la face que sur de rares ballades. Qu’on débranche sa guitare ! “Son album le plus accessible à ce jour”, précise la bio. De fait, Walking on locusts marque une rupture glaciale avec une tradition médiévale et hautaine. Ici, plus de douves […]
Ridicule quand il fait le rock et le jeune, John Cale ne sauve la face que sur de rares ballades. Qu’on débranche sa guitare !
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« Son album le plus accessible à ce jour », précise la bio. De fait, Walking on locusts marque une rupture glaciale avec une tradition médiévale et hautaine. Ici, plus de douves glaciales, de herses homicides ou de sombres oubliettes. Le nid d’aigle escarpé s’est mué en accueillant palais des Congrès : larges escaliers, escalators bien huilés pour les flemmards, rampes d’accès pour chaises roulantes et monte-charge pour mélomanes corpulents. De la Cinémathèque de l’East Village (violon, longue mèche et lorgnons noirs, accroupi sur un coussin lors d’une représentation du Theater of eternal music de LaMonte Young) au palais des Beaux-Arts de Bruxelles (nuque sévèrement dégagée, dégaine de séminariste pervers et guitare acoustique pour Fragments of a rainy season), le Gallois ténébreux continue bizarrement à en imposer dans le genre Artiste Incompris l’évidence de l’épithète ayant parfois eu pour fonction de valider le substantif. Moe Tucker aux baguettes, une chanson (Some friends) dédiée à Sterling Morrison (l’ami condamné, en septembre 68, à informer John Cale qu’il venait de se faire vider du Velvet Underground), c’est toute une épopée convulsive qui est ici tirée des limbes. Mais pour s’immerger dans l’aura du Velvet gageure tenue sous la lumière austère de Songs for Drella mieux vaut savoir (ne pas trop) s’entourer. « Quand on choisit judicieusement ses musiciens, on n’a pas besoin de leur dire ce qu’ils doivent jouer. » Résultat de ce malencontreux élan démocratique, Walking on locusts s’offre d’inquiétants écarts dans le grotesque : Entre nous, vague approximation du Steely Dan fin de parcours, ou le galimatias gluant de Crazy Egypt coécrit avec l’agaçant David Byrne pour ne citer que les plus navrants dérapages. Le rock, inscrit dans les gènes de son frère ennemi Lou Reed, reste pour John Cale une langue étrangère, apprise sur le tard. Gênée aux entournures dès que les chansons s’emballent, la voix (qui n’a guère changé depuis Vintage violence) s’égare dans le pathos pataud de Tell me why, gospel surchargé de chœurs féminins clinquants, puis se rétablit pour les ballades, somptueux paquebots voguant sur la mer moutonnante de Paris 1919. Alors seulement, dans le faste et les violons de Set me free ou So much for love, John Cale retrouve la distinction mélancolique de ses plus belles heures.
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