Un jeune olibrius impose le soleil californien sur Saint-Etienne. Déjà star sur le net, Sliimy semble ricaner : la crise, quelle crise ?
A ceux qui demandent une traduction précise de l’expression anglaise “escapism”, on aura désormais un mot français à présenter : Sliimy. L’escapism, donc, est cette hypetrophie de l’imagination qui fait qu’un petit irlandais souffreteux s’imagine tout seul orchestre symphonique de Broadway (The Divine Comedy) ou qu’une Anglaise à viande blanche sans pickles s’envisage soul-sister carabinée (Amy Winehouse). L’escapism, c’est le décalage entre là où les pieds sont ancrés et où le cerveau vagabonde.
Quand on découvre, sur le net, les chansons de Sliimy, jeune stéphanois à allure de hippie ultra-cool de San Francisco, on se dit qu’on tient-là un cas sévère d’escapism, de total divorce entre la vie et la réalité. Mais lui réfute toute idée de schizophrénie, revendiquant même son enracinement dans le Forez, là où on était certain que son imagination débordante avoit rongé toute idée de racine. “La personne sur internet, dans la rue, dans le métro est toujours Sliimy. En fin de compte j’ai toujours été moi à St Etienne, le garçon qui rêve et fait de la musique. J’ai pas vraiment envie de tricher… Sliimy, c’est un peu le nom qui résume tout, les gens trouvent que ça a l’air bizarre d’être proche d’une autre culture, de faire des choses différentes dans une ville pas forcement vouée à ça. Mais on n’est quand même pas condamné à supporter l’ASSE, on a le droit de s’ouvrir sur d’autres choses. J’ai choisi de m’évader par la musique, j’ai toujours été passionné.”
On soupçonne ainsi Sliimy d’avoir échappé au quotidien grâce aux chaînes musicales, peaufinant sa pop flamboyante en reluquant Mika, Lily Allen ou MGMT, apprenant assidument l’anglais avec Britney Spears (il a affolé la blogosphère mondiale avec sa reprise innocente de Womanizer). L’idée le fait ricaner. “C’est vrai que j’affectionne beaucoup MTV, ça été un moyen d’ouverture… J’étais un peu un « geek » de la culture anglaise. Sûrement que quelques conneries à la télé m’ont influencé. Mais, je rêvais beaucoup petit, j’ai pas vraiment regardé toutes ces choses : je les imaginais, j’ai appris à vivre en rêvant, et les « grands » me disaient souvent de faire attention. Je m’entrainais à faire des interviews en anglais, dans les toilettes…”
Loin des paillettes et de la légèreté qui ont été élevées en dogme par les chaînes de l’entertainment, et qui semblent pourtant avoir nourri la pop franchement astucieuse de Sliimy, lui revendique des premiers émois musicaux autrement plus lointains, sombres et imprévus. “Un de mes premiers gros chocs musicaux fut Jimmy Scott, je fonctionne souvent aux frissons et il est assez magique pour ça. C’est assez dur d’expliquer pourquoi on pleure, frissonne ou sourit en écoutant du Jimmy Scott, c’est un peu un monde parallèle, on pense à tout et à rien à la fois.”
Tout ceci ne pourrait être que cocasse et éphémère buzz sur le net. Mais derrière ce savoureux décalage entre le moi et le surmoi, Sliimy a également la bonne idée d’écrire, depuis sa bulle/studio, des chansons à la (dé)mesure de ses fantasmes, à la coolitude totalement décomplexée, à la fois simplistes et en millefeuilles colorés, assexuées mais sexy. Wake Up ? On n’est pas du tout certain de vouloir le réveiller et le ramener à une réalité nettement moins bariolée et gaie.