Sur une partie non négligeable de Vulnerable (la plus réussie), le nouveau citoyen de L.A. apparaît exposé à d’étonnants UV sonores, qui lissent provisoirement le cuir de sa musique, le brûlent parfois, mais jamais ne le polissent de façon irrévocable. Vulnérable, oui, si on en juge par la façon dont Tricky évite de cloisonner hermétiquement […]
Sur une partie non négligeable de Vulnerable (la plus réussie), le nouveau citoyen de L.A. apparaît exposé à d’étonnants UV sonores, qui lissent provisoirement le cuir de sa musique, le brûlent parfois, mais jamais ne le polissent de façon irrévocable. Vulnérable, oui, si on en juge par la façon dont Tricky évite de cloisonner hermétiquement son personnage de démiurge de l’ombre pour, cette fois, chanter sur la plupart des titres, en apportant un contrepoint charbonneux au joli filet de voix acidulé de sa nouvelle marionnette, la belle inconnue d’origine italienne Costanza Francavilla. La « trickette » du moment s’arroge ainsi les parties mélodiques, pop, tandis qu’en permanence Tricky plane sur son épaule pour rappeler à ces chansons par trop dociles leur part enfouie de bestialité.
Recentrée sur ces deux voix ? pas de brouhaha de vedettes à la gomme comme sur l’inégal Blowback ?, l’alchimie générale fonctionne parce qu’il en émane presque quelque chose d’amoureux, de sensuel, un côté « je t’aime moi non plus« , sur l’éternel modèle de La Belle et la Bête, toujours très « sonogénique ». En l’espèce, l’évanescent Hollow, avec son tempo lent, ses violons menaçants et sa liturgique chorale de spectres qui s’invite en chemin, est l’authentique diamant noir de l’album.
Comme sur Blowback, les chansons à fuir sont celles où Tricky gonfle ses triceps en dégainant les guitares fusion (How High, Moody), qui affriolent sans doute les ados américains mais paraissent vraiment indignes de l’auteur visionnaire et polymorphe de Maxinquaye. Le parc des rythmiques, hormis ces quelques fautes de goût, est constitué en grande partie de beatboxes ressorties des brocantes eighties, tissant quelques liens esthétiques prudents avec la scène electroclash new-yorkaise du moment. Du grenier des années 80, de ses souvenirs de jeunesse sans doute, Tricky exhibe également deux reprises totalement inattendues : Dear God de XTC, l’une des plus poignantes chansons des trois dernières décennies, et The Lovecats de Cure. Sur cette paire tellement dissemblable de pop-songs, Tricky et Costanza mélangent leur salive avec une délicatesse qui émeut. Vulnérables, ô combien.