Après Club Sodade, compilation vaine des meilleures chansons de Cesaria Evora relues par un séminaire de praticiens du remixage, Voz d’Amor est un retour quasi f tal à l’archipel, à la douce torture de son enfermement, à sa mémoire qui, blessure incurable, laisse écouler lentement la lymphe d’une nostalgie en abyme. Il y a bien […]
Après Club Sodade, compilation vaine des meilleures chansons de Cesaria Evora relues par un séminaire de praticiens du remixage, Voz d’Amor est un retour quasi f tal à l’archipel, à la douce torture de son enfermement, à sa mémoire qui, blessure incurable, laisse écouler lentement la lymphe d’une nostalgie en abyme. Il y a bien un Beijo Roubado (Baiser volé) très boléro et, avec Jardim Prometido, une épatante adaptation du Greenfields des Four Brothers (en France Verte campagne par les Compagnons de la chanson), mais l’un et l’autre finissent par se fondre dans cet horizon à l’intraitable azur dont la contemplation nourrit l’espérance aussi sûrement qu’elle conduit à son deuil.
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Les mornas ? Isolada, Djarmai di Meu, Mar de Canal’ ? sont des filles qui, parce qu’elles se trouvent belles, viennent se montrer au balcon, un châle de tristesse abandonné sur leurs épaules. Dans ce transfert entre chagrin et délectation narcissique de celui-ci, se sont cristallisées ces chansons douces et amères signées des habituels B Leza, Betu, Manuel de Novas, bercées par le déplacement rassurant de l’océan et l’indolent cavaquinho. Les coladeiras ? Velocidade, Ramboia, Saia Travada ? sont des garçons entreprenants et futiles. On les voit dans les rues de Mindelo qui plastronnent, qui gâchent leur jeunesse. Dans leur gaieté il y a comme l’agrément éphémère de l’illusion à voir triompher le moment présent sur ce que réserve demain. Aurions-nous oublié combien Cesaria Evora est une sublime, une immense tragédienne, que cet album, totalement prévisible mais souvent bouleversant, nous en fait le rappel. Cet art de la consolation qu’elle servit si longtemps qu’il a fini par la rembourser au centuple, la porte une nouvelle fois au dessus du lot, au-dessus des mots, là où seule la musique parvient à nier l’effort, les remords, la létale répétition des jours et la certitude de la fin. Et c’est toujours un événement.
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