Déjà 20 ans que Nördik Impakt fait vivre la techno et les cultures électroniques en Normandie. Entre artistes émergents, figures de la scène électronique et jeunes producteurs made in Caen, retour sur la 20e édition du festival normand.
Vendredi, 22h30. Nos premiers pas sur le site de Nördik Impakt se font aux côtés de Stéphane Rageot, ou plutôt Tonton comme tout le monde se plaît à l’appeler ici. Programmateur du festival et de la salle de concerts caennaise le Cargö depuis plusieurs années, Tonton nous reçoit quelques instants, pour nous parler des différents noms qui composent cette 20e édition. « Cette année je suis restée sur l’idée que Nördik Impakt est un festival qui essaye de faire venir des artistes qui sont les artistes d’aujourd’hui, comme Maceoplex par exemple. On souhaitait aussi programmer des artistes qui ne sont pas forcément venus souvent en France, comme Nicole Moudaber. » Une belle exclusivité en effet, quand on sait que la seule date française de sa longue tournée se fait à Caen.
Une impressionnante scène circulaire
Pour célébrer ces deux premières décennies, l’orga tenait aussi à revoir des figures qui avaient marqué le festival. « Je ne peux citer que Laurent Garnier. C’est un plaisir de le voir revenir chez nous » sourit Tonton. Reconnu pour ses programmations oscillant entre figures électroniques et producteurs émergents, Nördik Impakt attache aussi beaucoup d’importance à ses artistes locaux. « On voulait vraiment une scène dédiée à des producteurs qui ont pu grandir avec le festival et qui ont une attache à Caen. C’est quelque chose auquel on a tenu et pour lequel on n’a pas cédé. » La scène en question est fièrement représentée par des artistes tels que Fakear, Guns of Brixton, groupe de post-rock reformé pour l’occasion, Mac Declos ou encore le jeune trio Meta composé de Raito, BAADMAN et Madame.
Après ces quelques mots échangés avec Tonton, on se dirige finalement au cœur du parc des expositions. On loupe de peu la house du duo Surfing Leons, mais c’est pour mieux se rattraper avec le set techno, aussi deep qu’aérien, du producteur parisien AWB, co-fondateur du label Tapioon Records. Histoire de découvrir les lieux, on passe ensuite au Hall of Fame, salle principale du festival qui détient une belle nouveauté cette année : une scène circulaire. Et c’est la sulfureuse Honey Dijon qui motive les troupes avec un set haut en couleurs, enchaînant les remix dans son habituel univers house tout droit venu de Chicago.
Le temple du hardcore
Côté Hall of Death cette fois, la furieuse Rebeka Warrior, moitié des Sexy Sushi, délivre une techno brutale, puissante, très sombre et sans artifice. Une bonne façon de chauffer la salle avant l’arrivée d’une ribambelle de garçons plus qu’énervés. Entre la hardtek de Fant4stic, la battle frenchcore de Dr Peacock et Massouille ou le pionnier de la hard-techno Noize Suppressor et ses beats fracassants, le Hall of Death se sera transformé en temple du hardcore le temps d’une nuit.
Pendant ce joyeux bordel, on se laisse entraîner par les sonorités gabber qui se dégagent du Wonder Hall, où les parisiens de Contrefaçon, complètement surexcités, lancent un gros pogo sur un de leurs sons les plus connus, R MAX. Ils seront suivis de la techno made in England de Randomer, puis du set plus industriel signé par le DJ anglais Blawan aka Jamie Roberts riche d’un premier album Wet Will Always Dry sorti cette année.
Sur l’impressionnante scène circulaire, c’est le duo Adriatique qui a pris les rênes de la soirée, avant de laisser la place à la boss de la techno belge, Charlotte de Witte. La DJ délivre sans doute un des meilleurs sets de la nuit, avec une techno sombre et minimale, flottant légèrement sur des sonorités plus industrielles. Le vendredi se clôturera finalement par le grand Laurent Garnier. De son classique Crispy Bacon à des tracks bien plus pointues, celui qu’on surnomme le « papa de la techno » en France, est parvenu à faire vibrer la foule avec une aisance presque déconcertante pendant près de 2h30.
« C’est une grosse rave »
Avant de se lancer dans le récap de la deuxième soirée de closing, on vous parlerait bien des tous premiers parrain et marraine de Nördik. Parce que oui, cette année le festival s’est offert deux beau mentors : Vitalic et Jennifer Cardini. D’un côté, le producteur français electro affirmé qui a récemment ressuscité son alias Dima et sorti un ep Sounds of Life, distillant une techno puissante et sombre. De l’autre, l’infatigable boss du label Contretemps, résidente au Rex et active dans le milieu des musiques électroniques depuis près de 24 ans. Deux « parraines » comme ils s’amusent à s’appeler qui se connaissent depuis bien longtemps. L’histoire Jennifer Cardini – Vitalic remonte en fait à l’époque révolue du Pulp sur les Grands Boulevards à Paris.
« Je connais très bien Tonton. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour lui et son équipe, parce que ça fait 20 ans qu’ils défendent les musiques électroniques et qu’ils offrent une programmation internationale, mais aussi centrée sur la scène locale. Il n’y a pas beaucoup d’endroits comme ça en France. C’est une grosse rave et être marraine c’est un honneur et une certaine forme de reconnaissance » confie Jennifer Cardini.
De son côté, Vitalic aka Pascal Arbez-Nicolas, est un vrai spécialiste de Nördik, « C’est un festival clé en Normandie et dans le Nord de la France donc c’est une belle exposition. Nördik a toujours booké mes shows dans la salle principale, dès que le show en question était prêt. On a un vrai rapport de confiance et d’entraide. » Un événement, qui est aussi largement reconnu pour avoir conservé son identité et sa base radicale : la techno. « Au fil des années le festival n’a pas vraiment réagit aux sirènes de l’urbain comme le rap et le hip-hop qui ont refleuri dans tous les festivals. Nördik est restée sur de la musique purement électronique » se réjouit Vitalic.
La crème des artistes normands
Samedi. C’est sous la pluie battante de Normandie que la deuxième soirée de closing commence. Ça démarre très tôt avec la team de Sonic Crew au Hall of Fame, l’échappée solo de Guillaume Ravenel aka Badknife au Wonder Hall et le trio caennais Guns Of Brixton au Hall of Death. Et si on s’est habitué à l’ambiance hardcore de la veille, pour ce second soir dans le « hall de la mort », c’est la crème des artistes électro Normand qu’on accueille. À la seule exception du trio GANGUE, projet inédit qui réunit Fulgeance, Haring et La Fine Équipe pour un live expérimental assez surprenant entre electro et black music, le reste des artistes ont fait leur début dans la capitale normande.
À 00h30 c’est Fakear qui se lance sur scène avec ses plages sonores oniriques et toujours très mélodieuses. Il est suivi du set house et techno de Mac Declos, et du jeune trio META, qui se produisait pour la première fois en live. Jouant aussi bien sur le son que sur les visuels, le résultat de cette première était plutôt très impressionnant.
Côté Wonderhall on a vu se succéder la jeune américaine Onyvaa, boss du label Passeport Records, la house de Josh Wink, le set techno, énergique et efficace d’une Jennifer Cardini en très grande forme. L’impressionnante Nicole Moudaber était la dernière à prendre la main sur scène. Dépeignant une techno aussi subtile que raffinée, elle ne nous a pas laissé une seule seconde de répit.
24 316 festivaliers
Sur la scène circulaire, le producteur Rebolledo a mené une bonne partie du début de soirée avec un set de près de 3h, mais à l’exception d’un remix assez marrant de Another One Bites The Dust, l’ensemble est resté très lent et plutôt décevant. Et si on avait peur d’assister à quelque chose de très voir trop ambiant après la sortie de son dernier album Song For Alpha, Daniel Avery, qui a commencé par le DJing avant la production de disque, a su démontrer une nouvelle fois son amour pour le dance-floor et la techno. Avec des classiques comme Shockwave de The Hacker, le producteur anglais a signé un des meilleurs sets du festival.
Bientôt 2h du matin, on commence à fatiguer, mais l’énergie club d’Illario Alicante parvient à garder le dancefloor très chaud avant l’arrivée de Maceo Plex. Le DJ américain, était l’une des têtes d’affiches de cette 20e édition. Un grand nom de la techno, qui vogue entre techno, house, funk tout en conservant une atmosphère sombre lors de ses sets, et que l’orga rêvait de voir sur la scène Nördik depuis quelques années.
Il est 6h du matin. Non, 5h ? Oui on a changé d’heure et on avoue être légèrement pommé. Quoi qu’il en soit, on aura très précisément été 24 316 festivaliers à avoir foulé le site de Nördik Impakt pour célébrer cette 20e édition. Une belle preuve que la techno a toujours une place de choix dans le paysage culturel normand.