SebastiAn verse dans l’anticipation, Yann Tiersen dans le post-apocaplytique, Joseph Mount joue au golf et Kim Gordon s’égare dans un Désert rouge.
SebastiAn, musicien : Premier Contact de Denis Villeneuve
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Mes premiers amours sont Ballard, Ursula K. Le Guin, Philip K. Dick, mais aussi l’urbaniste et essayiste Paul Virilio, qui a énormément réfléchi à la technique et à l’accident. J’aime beaucoup la littérature d’anticipation qui prend comme gadgets des vaisseaux spatiaux pour amener à des conclusions philosophiques. L’anticipation parle de maintenant. Comme Kubrick, Villeneuve dresse un pont entre un cinéma populaire et des trucs un poil plus complexes que la normale. J’avais moins aimé Interstellar de Nolan, hyper-prétentieux.
Premier Contact, c’est plus singulier. Il y a la même donnée de départ avec les extraterrestres qui débarquent, mais ce n’est qu’un prétexte à parler d’autres choses. C’est un film sur le langage et c’est l’abstraction totale. On ne comprend pas tout et ce n’est pas grave. Villeneuve introduit des nuances alors qu’on n’en a très peu dorénavant. J’ai aussi maté Les Minions, mais c’est un autre sujet. 1 heure 30 de crétinerie absolue. De même, t’as pas besoin de comprendre ! C’est vraiment le néant, mais c’est très bien. Dans une scène, un Minion voit le tableau de la reine d’Angleterre et dit : “La Cucaracha ?” C’est comme Bob l’Eponge, t’as l’impression que t’as tout Deleuze dedans.
Premier Contact de Denis Villeneuve (E.-U, Can., 2016, 1 h 56). Disponible en VOD sur MyTF1VOD, Canal VOD, Orange
Yann Tiersen, musicien : Dans la forêt de Jean Hegland et Station Eleven d’Emily St. John Mandel
Difficile de faire abstraction de l’actualité confinée dans mes lectures du moment. Parmi mes derniers livres, j’ai adoré Dans la forêt (1996) de Jean Hegland, qui narre l’histoire de deux sœurs dans une forêt après l’effondrement de la société technologique, ainsi que Station Eleven (2014) d’Emily St. John Mandel, un roman de fiction post-apocalyptique
racontant une grippe géorgienne qui tue 99 % de la planète. Ce sont des livres qui m’accompagnent depuis Ouessant.
Dans la forêt de Jean Hegland (Gallmeister, 2017), disponible en version numérique
Station Eleven d’Emily St. John Mandel (Rivages poche, 2018), disponible en version numérique
Joseph Mount (Metronomy), musicien : Tiger Wood PGA Tour
Le premier été que j’ai passé à Paris était plus chaud que tout ce que j’avais jamais expérimenté à Londres. Ma copine était partie travailler en Corée, donc, pour la première fois, je vivais seul dans un pays étranger. Ce que j’ai fait ? J’ai joué à Tiger Wood PGA Tour sur sa vieille Nintendo GameCube pendant une semaine facile. C’est assez difficile de décrire à quel point j’ai trouvé ça relaxant. J’étais à Barbès, entouré du bruit de la ville, des sirènes et des klaxons. Mais dans le jeu, j’étais à Palm Springs au second trou, bercé par le chant des oiseaux et une douce brise. Ça a l’air taré, mais ça m’a réellement transporté dans un autre endroit. Ça a été ma première expérience de réalité virtuelle. C’est peut-être pas un si mauvais jeu à tester en ce moment.
Tiger Wood PGA Tour (Electronic Arts, 1998-2013)
Kim Gordon, musicienne
Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni
J’ai revu Profession: Reporter puis Le Désert rouge. J’avais oublié quel peintre était Antonioni. Le Désert rouge crée un paysage si étrange à partir de la puissance brutale, aveugle des usines toxiques et des machines, qui sert de toile de fond au personnage fragile de Monica Vitti qui se désagrège. Elle seule semble avoir conscience de la fumée jaune que crachent les cheminées et de la torpeur de la nature environnante. J’adore sa façon d’utiliser les sons de l’environnement, les bruits des machines, de l’océan, du vent. Elle dit se sentir comme glisser le long d’une pente. Sa façon de marcher comme si elle se trouvait sur un bateau, cherchant son équilibre, reflète ses émotions intimes de manière brillante.
C’est son premier film en couleurs, et la scène dans laquelle un ami du mari du personnage de Monica Vitti la regarde s’enrouler dans les draps de son lit, avec ces plans qu’Antonioni filme depuis le haut du lit, contournant l’oreiller jusqu’à sa chevelure ébouriffée puis dans une fusion de brume et de lumière colorées, qui forment comme une peinture abstraite. Il y a une telle immobilité, un tel vide dans ce film qui fait écho à la vie du dehors à l’heure actuelle.
Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni (It.,Fr., 1964, 1 h 55). Disponible en VOD sur MyTFIVOD, La Cinetek,
Textes et propos recueillis par Carole Boinet et Franck Vergeade
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