Cardi B vient de sortir son premier album, « Invasion of Privacy » et s’impose dans le rap game.
Pour une raison inconnue, la popularité de Cardi B n’a pas encore traversé l’Atlantique. Alors que la rappeuse du Bronx est une superstar aux Etats-Unis, peu d’oreilles se tendent ici. A tort. Sacrée rappeuse la plus populaire de tous les temps pour avoir installé son premier tube, Bodak Yellow, en tête du classement Billboard durant trois semaines consécutives, une grande première pour une rappeuse solo, Cardi B s’est hissé seule : pas d’histoires de pygmalion tapi dans l’ombre sur lequel tous les projecteurs médiatiques se seraient immédiatement braqués, trop heureux de démontrer qu’il y a toujours un homme pour soutenir une femme. Là non, perdu, il n’y en a pas.
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Cardi B c’est donc l’histoire d’une selfmade woman d’origine caribéenne, qui a grandi dans le Bronx, a bossé comme caissière dans un supermarché avant d’opter pour le strip-tease, tout simplement parce que ça paye mieux. Comme Cardi B est une marrante et qu’elle s’ennuie un peu entre deux danses, elle se met à poster des vidéos sur vine et instagram. Or, Cardi B est une grande gueule qui trimballe un paquet d’expressions argotiques ainsi qu’un fort accent dominicain à sa suite, suffisamment pour faire marrer ses followers, en acquérir de plus en plus, et atterrir dans une émission de télé-réalité, Love & Hip Hop. Là, Cardi B ne perd rien de sa gouaille, bien au contraire : sur un plateau de télé, l’ex strip-teaseuse explose de charisme et de drôlerie. Et puis soudain, elle se dit qu’elle va faire du rap et poste quelques clips sur Youtube, jusqu’au fameux Bodak Yellow, qui devient la b.o de l’été 2017 et culmine aujourd’hui à plus de 500 millions de vues. Elle y parle de toute la thune qu’elle a amassée, conseille de ne pas lui chercher de noises, et se tape un égotrip à côté d’une Panthère bien docile car elle l’a domptée, vous suivez ? Entre temps, ses deux mixtapes lui ont permis de signer avec Atlantic Records. Bref, Cardi B est bien partie.
Alors que tout le monde se disait que Cardi B était une sorte de quatrième Migos avec ses prods lourdes, ses gimmicks de zinzin, son mélange de mumble rap et de rap franc du collier, la voici qui se fiance avec Offset, l’un des Migos justement. Cardi B se rapproche de cette scène trap d’Atlanta, enregistre un duo avec le génial 21 Savage, participe au Motorsport de Migos avec Nicki Minaj.
Cardi B est la véritable héritière de meufs comme Lil’ Kim pour le côté hypersexualisé assumé, revendiqué, les clips en soutif rouge, les textes sur l’argent, l’argent, l’argent, l’agressivité non déguisée, les mises en garde adressées à tout le monde. Voir aussi la pochette de sa première mixtape qui la montrait en train de boire une Corona, la tête d’un type entre les jambes. Mais aussi de Missy Elliott pour le rap je-m’assume-et-je-vous-emmerde, les prods de fou en moins.
Cardi B nous dit « Je suis zinzin et je vous emmerde »
Autant dire que le monde retenait sa respiration en attendant son premier album, Invasion of Privacy, lâché vendredi 6 avril. Première surprise : pas de visuel mega hot pour sa pochette, mais une mise en scène rappelant furieusement les innovations stylistiques de Lady Gaga avec costume à damiers, perruque jaune criard, lunette papillon blanche, bouche violette, grimace bien sentie. Le message est clair : je suis zinzin et je l’assume. Cardi B incarne les notions d’empowerment et d’unapology : elle est une belle démonstration de l’affirmation de soi et ne compte pas s’excuser de ce qu’elle est, à savoir une meuf géniale.
Bien loin des samples du rap old school, les prods de son premier album n’ont rien d’exceptionnel, et les meilleurs morceaux sont les singles déjà essorés : Bodak Yellow, Bartier Cardi, Be Careful, Drip. Et pourtant, sa voix un peu maladroite, qui semble se débattre avec une petite patate chaude, frappe fort dès le morceau d’entrée, l’incroyable Get Up 10, dans lequel elle revient sur son passé de strip-teaseuse et son ascension dans le rap game :
« Ils m’ont donné deux options pour salope : strip-tease ou la lose. Je dansais dans un club juste à côté de mon école. J’ai dit « danser » pas « baiser », ne vous faites pas d’idées. Je préfère clarifier car les salopes adorent supposer. »
Parions aussi sur le succès de Money Bag qui avec son instru minimaliste et son refrain répété comme un mantra devrait faire vriller les têtes en soirée.
Les featurings sont tous classes : YG, Chance the Rapper, Migos, SZA, Kehlani… Les paroles mordantes, les gimmicks en place, les skur skur bien là, la petite musique de salsa là aussi (I Like It) car c’est la grande mode quand même. En plus franchement, le morceau est une réussite, comme tous les autres. Son album est une explosion libératrice, un hurlement d’égo, un poing tapé sur la table (en marbre, la table), un majeur brandi en l’air, une langue tirée, un twerk balancé.
Rappelons qu’à Cosmopolitain qui l’interrogeait il y a quelques semaines sur #MeToo, la rappeuse avait eu l’intelligence de répondre : « Pleins de vixens (danseuses dans les clips de rap) en ont parlé et tout le monde n’en a eu rien à foutre. Quand j’ai essayé d’être vixen, les mecs me disaient « tu veux être sur la couv de ce magazine ? » avant de sortir leurs bites. Je parie que si l’une de ces femmes parle de ça, les gens vont dire « et alors ? T’es une pute, on s’en fout » « . Quant aux hommes qui ont soutenu le mouvement, elle alertait : « Ces producteurs et ces réalisateurs ne se sont pas réveillés, ils ont juste peur. » En sus d’être intelligente, Cardi B sait s’entourée : c’est Petra Collins, photographe féministe, qui a signé son dernier clip, Bartier Cardi. Il était grand temps qu’une Cardi B explose dans ce beau monde du rap bien trop masculin.
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