Entrez de face ou de biais, vous ne verrez pas la même chose. Droit devant, un petit autoportrait du peintre. Laissé à part, c’est l’un des douze portraits presque d’identité accompagnant les dix-sept nus installés au ras du sol, sur deux pans de mur perpendiculaires, tout au fond à gauche de la galerie. Dix-sept nus […]
Entrez de face ou de biais, vous ne verrez pas la même chose. Droit devant, un petit autoportrait du peintre. Laissé à part, c’est l’un des douze portraits presque d’identité accompagnant les dix-sept nus installés au ras du sol, sur deux pans de mur perpendiculaires, tout au fond à gauche de la galerie. Dix-sept nus de face, hommes et femmes, grandeur nature, au repos. Chacun sur son étroite bande de toile devant un fond monochrome terne ou acide, gris beige, gris vert ou gris bleu, jaune citron, mauve, orange ou vert pomme. Debout, bien campé sur ses jambes, les bras le long du corps ; le visage sans expression, le regard fixe. Chaque modèle anonyme, ni beau ni laid, ni grandi ni méprisé, vu avec une objectivité même pas froide, calculée, qui tiendrait du constat pseudo-scientifique si ces nus qui renoncent à l’attrait du visage, au charme de l’attitude, renonçaient à toute séduction. Or il leur reste celle de la peinture. Passé le choc opératoire des corps alignés, des visages vides, l’oeil peut s’arrêter longuement à la chair : qu’elle apparaisse rougie, brunie, violacée, le traitement en est sûr, violent, superbe.
Anne Bertrand
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