Compte rendu des festivités au Villette Sonique, festival printanier qui a secoué les pelouses et les salles du parc de la Villette à Paris du 7 au 10 juin.
Le printemps parisien, depuis deux ans, se termine un peu mieux que d’habitude puisque du côté de la Villette, on peut désormais se vautrer dans l’herbe en écoutant des groupes rares, jamais vraiment programmés ailleurs. Le festival Villette Sonique propose ainsi une sélection pointue et riche, qui permet d’aller au-delà des goûts du jour ou des groupes branchés du moment.
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Ainsi, cette année, on a pu enfin voir jouer en France (et au Trabendo) le groupe anglais Nurse With Wound, qui dès les années 70 profitait de la frénésie punk pour inventer un genre musical à la bordure du krautrock et de la musique industrielle. Depuis deux ans, le groupe (en fait mené par un génie méconnu, l’anglais Steven Stapleton) s’est décidé à reprendre la scène alors même qu’il n’avait jusqu’à présent donné qu’une poignée de concerts au début des années 80.
Sur scène, justement, après une prestation veloutée de Fennesz accompagné par Mike Patton, Stapleton est accompagné par ses copains musiciens, tous alignés derrière une table et créant une bande son improvisée pour des films hypnotiques qui accompagnent le concert. Ainsi, tandis que se développe une musique bourdonnante et atmosphérique, ponctuée de rythmes marécageux, de sursauts ponctuels, un écran placé au-dessus des musiciens fait entrevoir une autre partie de l’univers de NWW : inspirés par les essais surréalistes des premiers films de Bunuel, mais aussi par les montages de cinéastes comme Derek Jarman ou Stan Brakhage, les films déploient une délicatesse mordorée qui fait plonger le spectateur dans un bel état d’inconscience. Mais dont le tirent à intervalles réguliers les interventions vocales des invités : d’abord, David Tibet, chanteur des cultes Current 93, est venu chanter pour accompagner les paysages sonores de son ami Stapleton. Son chant, savamment filtré, était à l’image d’une belle invocation mystique : il renvoyait tout à la fois à des terreurs d’enfance et à des rêveries élégantes, élevant la musique du groupe vers un ailleurs inédit.
Et pour la fin du concert, NWW avait un autre invité : le français Jac Berrocal, collaborateur de la première heure, est venu chanter, jouer de la trompette et donner à la prestation un autre horizon, plus sauvage, un peu comme si d’un coup, un fantôme de Marlon Brando avait surgi là, du côté de la villette. Belle prestation, malgré une salle au son peu accueillant, peu idéal pour un tel concert.
Le lendemain, et durant tout le week-end, le festival a continué à présenter des musiques inédites, dans plusieurs directions. Samedi après-midi, sur l’herbe, on pouvait écouter trois heures durant, après les excellents activistes du collectif DIRTY, une prestation de l’historique DJ italien Daniele Baldelli, en pleine forme pour un set de disco cosmique, très funky et entraînant, démontrant que ce DJ est toujours en bonne forme, même si on attendait de sa prestation un peu plus d’aventure et de tentatives déviantes, conformément à sa légende de dynamiteur des dancefloors de Rimini.
Le même soir, on a raté (par paresse ? par fatigue ? par envie d’être ailleurs ?) les concerts de Pascal Comelade et Mum, mais dont on se doute qu’ils ont dû être, à l’image de ces musiciens, plus que réussis. On attend en tout cas impatiemment le prochain album des islandais Mum prévu pour la rentrée. Quant à Pascal Comelade, il est toujours le bienvenu par ici. En marge des concerts, un petit coin était réservé à quelques labels indépendants, présentant aussi bien des disques que des fanzines, des objets culturels non identifés que des magazines transgenres – une belle manière de compléter le festival chez soi, en douceur.
Dimanche, enfin, la vraie sensation et claque en pleine gueule de Villette Sonique (et peut-être des derniers mois) a envahi la scène où se produisait Baldelli, vers 18 h : il ne s’agissait pas de Justice ou d’un autre groupe à la mode, mais d’une étonnante formation anglaise, Shit & Shine, composée de deux bassistes et cinq percussionnistes qui défient le temps et les oreilles en créant une musique entêtante, rythmique, sourde, enveloppante, extatique, bourdonnante qui ne ressemble à rien d’autre, tout en étant une condensation miraculeuse des expérimentations de Steve Reich, Sunn O))), Jesus & Mary Chain, Spacemen 3, Autechre, Villalobos et quelques autres artistes vitaux, opérant sur les limites du bruit, de la répétition, de l’intensité.
Une révélation qui dépasse de loin les disques de ce groupe que l’on avait pu entendre ces derniers mois. Du coup, le groupe japonais qui clôturait le festival, ou même la jeunette Uffie qui se produisait sur une autre scène, ne semblaient pas à la hauteur de ce marasme prodigieux, qui était tout aussi beau qu’intenable, prenant et repoussant tout sur son passage. Rien que pour cela, le festival était une réussite que l’on espère rééditée l’année prochaine.
– www.villettesonique.com
– www.brainwashed.com (Nurse with Wound)
– www.fennesz.com
– www.mikepatton.de
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