Ces derniers temps, la respectable maison Verve, fondée en 1944, organise des journées portes ouvertes aussi souvent qu’une vulgaire concession Peugeot de zone commerciale. Après avoir laissé les clubbeurs chic de Thievery Corporation effectuer leurs emplettes sur ses prodigieux étalages (la compilation Sounds of the Verve Hi-fi), c’est maintenant le stock, les archives hors de […]
Ces derniers temps, la respectable maison Verve, fondée en 1944, organise des journées portes ouvertes aussi souvent qu’une vulgaire concession Peugeot de zone commerciale. Après avoir laissé les clubbeurs chic de Thievery Corporation effectuer leurs emplettes sur ses prodigieux étalages (la compilation Sounds of the Verve Hi-fi), c’est maintenant le stock, les archives hors de prix et les bijoux de famille que les tauliers ont décidé de confier à des remixeurs d’horizons assez divers.
Poussé par un élan assez prévisible, tout le monde parmi ces cadors internationaux de l’electro s’est rué sur le rayon « jazz vocal féminin », personne n’ayant osé s’attaquer aux chorus indomptables de Charlie Parker ou aux volutes grisantes de Stan Getz.
Les pensionnaires mythiques de Verve (Ella, Shirley, Dinah, Astrud ou Billie) passent ainsi une à une à la casserole, cuisinées pour la plupart aux sauces down-tempo et electro-lounge. Comme les gens chargés de la besogne sont plutôt des fines lames (MJ Cole, Rae & Christian, Joe Claussell’), on évite ici les fautes de goût flagrantes, mais pas toujours les plâtrages convenus entre les gorges profondes de ces dames et les nappages libidineux tendus par ces messieurs. On retient d’emblée la mise en relief aérée du Who Needs Forever d’Astrud Gilberto par Thievery Corporation ou le marathon stupéfiant des Masters At Work sur l’épique See-Line Woman de Nina Simone.
Mais le clou du spectacle, c’est évidemment la prise d’assaut du standard des standards, l’a priori intouchable Strange Fruit de Billie Holiday, par un commando constitué de Tricky et des forgerons de Tool. Le remix, offensif et inquiet à la fois, tout en brisures métalliques et en battements organiques, remporte haut la main (et les cœurs) l’impossible pari. Pour ceux qui se refusent à l’idée qu’on touche à de tels monuments, la même compilation existe en version Unmixed.