OK computer. Avec son deuxième album, Garbage continue de faire preuve d’une efficacité sans grossièreté. Une réussite sonique à l’apparence clinique, mais d’une ardente sensualité. A l’heure de recevoir, non sans délectation, le très attendu deuxième album de la belle équipe du Wisconsin, un brûlant besoin de réalisme s’impose. Ne plus avoir peur de l’admettre […]
OK computer. Avec son deuxième album, Garbage continue de faire preuve d’une efficacité sans grossièreté. Une réussite sonique à l’apparence clinique, mais d’une ardente sensualité.
A l’heure de recevoir, non sans délectation, le très attendu deuxième album de la belle équipe du Wisconsin, un brûlant besoin de réalisme s’impose. Ne plus avoir peur de l’admettre : il y a bel et bien un problème Garbage. Rien de grave, pas de quoi remettre en cause son statut respectable de plus efficace groupe composite du monde, mais un souci tout de même : quelque chose de l’ordre du tabou, de ces évidences qu’on tarde à admettre de peur de se priver d’un bonheur simple, facile. Alors voilà, osons la formule qui fâche : Garbage n’a pas de génie. On pourra toujours répondre : ça tombe bien, personne ne lui a demandé d’en avoir. Et on aura raison. Dans les deux camps. Rare exemple d’un petit débat sans enjeu dans lequel tout le monde finira de toute façon par avoir le dernier mot, enthousiastes convaincus comme contempteurs pointilleux. La seule question valable, au fond, serait plutôt : qu’attendre aujourd’hui de Garbage ? A cet exercice de bonne foi appliquée, les clients de l’efficacité, du plaisir immédiat gros son et formules solides ne courent pas le risque d’être déçus. Pour eux, Version 2.0 sera même le plus absolu, le plus entier des bonheurs, chaque note, chaque son donnant l’impression d’avoir été conçu pour produire son effet immédiat, frontal. C’est physiquement prouvé, on ne pourra jamais détester les chansons à combustion instantanée de Garbage : des rythmiques conciliantes aux guitares scientifiquement affûtées, de la voix éloquente et suave aux constructions habilement usinées, pas le moindre motif d’irritation, pas d’éruption de boutons c’est là le privilège des musiques consensuelles, qui ne se connaissent pas d’ennemis mortels. Et même persuadé des limites du genre et d’une coûteuse absence de profondeur d’âme l’écoute parallèle des enregistrements posthumes de Jeff Buckley fout le vertige , on ne pourra qu’admirer le savoir-faire étalé, cette fascinante science du son, cette chaleur rarement ressentie au coin d’un ordinateur. Disque savant et théorique par opposition à « viscéral et vécu » , Version 2.0 déroule admirablement ses arguments, sûr de son affaire. Plus d’un an de travail en studio, quatre cerveaux fonctionnant à plein régime ne pas sous-estimer le rôle de l’ultra-sensible Shirley Manson, bien plus qu’une bimbo , des centaines d’heures de création chirurgicale assistée par ordinateur : par quel insolent miracle l’album du retour de Garbage aurait-il pu être autre chose que ce qu’il est, soit un parfait prolongement, une indiscutable consécration sonique ? Il y a quelque chose de fatal, d’implacable, dans le talent spécifique de Garbage cette manière de systématiquement faire ressembler un laboratoire en carreaux de faïence à un sauna, de rendre une table de mixage aussi chaleureuse qu’un feu de bois. Foncièrement incapable de rater sa cible, le groupe de Madison est un rouleau compresseur, un brise-glace, une usine atomique mais de l’après-Nirvana, ce terrifiant Tchernobyl du rock. Ici, pas le moindre risque de fuite toxique ou d’infiltration : les murs sont d’une solidité avérée, le béton armé jusqu’aux dents. A bien tendre l’oreille, on finira certes par capter quelques traces de fragilité assumée les mots de Hammering in my head, ceux de Wicked ways, l’interprétation hantée des textes , mais au final, c’est toujours la même impression de force maîtrisée, de contrôle intégral qui fournit aux morceaux de Version 2.0 leur spectaculaire squelette. Une garantie d’euphorie pour l’auditeur lorsque les chansons sont au rendez-vous le single Push it, les épatants Special (tube annoncé) ou You look so fine , mais aussi une possible source de lassitude lorsque la technique pédale dans le vide Temptation waits (Blondie ?), When I grow up (The Primitives ?) ou Medication (Siouxsie & The Banshees ?). Petit test recommandé : écouter Version 2.0 sur une cassette ferro dans un petit magnétophone usé, cramé loin du casque stéréo, loin de l’autoradio avec boosters puis faire l’inventaire de ce qu’il reste de mélodies, de panache, d’urgence. Conseil successif à ce petit test possiblement absurde : remettre immédiatement Version 2.0 dans le lecteur CD et recommencer à taper du pied, irrésistiblement.
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