Véritable album inédit ou recyclage de fonds de tiroirs ? Qu’importe : le mythe Jimi Hendrix s’enrichit encore et toujours.
Présenté comme un “album studio inédit”, Valleys of Neptune est en réalité un nouvel épisode de cet éternel vrai-faux retour de l’homme à la guitare de feu, le dernier envol du plus indémodable phénix que le rock ait connu.
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Si de son vivant Jimi Hendrix n’a sorti que quatre albums – Are You Experienced?, Axis: Bold as Love, Electric Ladyland et Band of Gypsys –, ce qu’il a accumulé sur bandes, en concert ou en studio, constitue une manne intarissable, qui en quarante ans est venue nourrir dix fois plus de disques que n’en compte sa discographie officielle.
Cet écart donne la mesure d’un paradoxe qui lui est propre. Tandis que son aura ne cesse de croître, notamment auprès des nouvelles générations, son répertoire ne se renouvelle qu’au travers de ce qui en d’autres temps aurait été considéré comme des fonds de tiroirs – qui, parce que c’est Hendrix, deviennent de providentielles et virginales trouvailles.
Disons les choses : sur les douze titres que propose cette nouvelle livraison, seuls trois peuvent être considérés comme d’authentiques incunables : Ships Passing through the Night, Crying Blue Rain et Valleys of Neptune, ce dernier, en dépit de sa valeur intrinsèque, ayant toutes les apparences d’une ébauche. Le reste se compose de variantes méconnues de certains de ses classiques tels que Red House, blues de huit minutes aussi épique que torrentiel, ou Stone Free, l’une de ses premières compositions.
Plus rares sont les versions intermédiaires de morceaux à qui Hendrix donnera une forme définitive par la suite. Mr. Bad Luck se changera par exemple en Look over Yonder et Lullaby for the Summer en Ezy Ryder. Autre curiosité, cette reprise instrumentale du Sunshine of Your Love de Cream, groupe d’Eric Clapton dont on faisait alors le principal rival d’Hendrix à la guitare. Plusieurs moutures en ont circulé sur bootlegs avant que ne paraisse cet enregistrement réalisé à l’Olympic Studio de Londres en février 1969.
Aussi abusivement marketée “album studio inédit”, cette compilation est pourtant loin d’être une arnaque. Elle ne compromet en rien la légende, et l’enrichit même à sa façon. Elle prouve à quel point Hendrix, éternel insatisfait, revenait sans cesse sur ses créations passées, moins dans un souci de réécriture qu’à la manière d’un amant qui retourne vers d’anciennes maîtresses en espérant d’elles un surcroît de volupté.
Elle éclaire l’ambition ultime qui le brûlait : conjuguer la spontanéité du musicien live avec l’hyperperfectionnisme de l’orfèvre en studio. Hear My Train a Comin’, un autre de ses blues préférés, illustre cette quête insensée. Musicien d’une exigence hors du commun, aussi doué qu’acharné au travail, Hendrix voulait élever l’art simple, presque rudimentaire, du blues à la dimension d’une musique totale. En d’autres temps, mythologiques, il aurait volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes. C’est ce qui a fait de lui le guitariste quasi surnaturel que l’on sait. C’est à cette vérité que nous renvoie Valleys of Neptune.
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