Oubliez qu’il existait un groupe du nom de The Verve : sur Urban hymns, un groupe se réinvente, s’impose l’excellence et le panache, se condamne à la générosité et au futur. Avant Urban hymns, The Verve n’a jamais existé. On chassera de nos souvenirs les éventuels résidus oubliés là par mégarde lors du passage express […]
Oubliez qu’il existait un groupe du nom de The Verve : sur Urban hymns, un groupe se réinvente, s’impose l’excellence et le panache, se condamne à la générosité et au futur.
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Avant Urban hymns, The Verve n’a jamais existé. On chassera de nos souvenirs les éventuels résidus oubliés là par mégarde lors du passage express des deux premiers albums d’un groupe ayant porté le même nom. On balayera avec soin devant la porte de nos mémoires avant de dérouler le tapis rouge, de convoquer la garde royale et de sonner les trompettes en l’honneur de Richard Ashcroft. Un drôle de type, cet Ashcroft. On le jurait poseur et c’est lui qui en impose. On le pensait noyé pour toujours dans la chnouffe, infréquentable et parano, mais sa musique est aujourd’hui l’une des plus généreuses qui soient. D’une générosité choisie, mesurée, qui se dévoile crescendo depuis plusieurs mois. Dès le lancement du premier étage de la fusée, ce Bittersweet symphony martial, conquérant, on avait pigé qu’il faudrait prendre la semonce au sérieux. Plus question de voir en The Verve un éternel porteur des serviettes sales du rock britannique et des promesses que Radiohead avait fini par tenir. Pour échapper à son destin qui commençait franchement à sentir le pas frais , l’Angleterre retrouvait avec eux le goût exalté du combat. Pas un minable combat de catch pipé d’avance à la Oasis même Roger Couderc aurait flairé l’entourloupe de Be here now , mais un combat de seigneur, où les violons seraient bandés comme des arcs, les mélodies fières comme des chants de conquête. Avec Drugs don’t work, époustouflant second single, Ashcroft parvenait même à insuffler du poison et de la fièvre à une chanson qui chez d’autres au hasard, Crowded House aurait banalement parue en bonne santé. Le corps médical se penchera également avec intérêt sur le cas insidieux de Sonnet, véritable nid à microbes sous ses airs sains de ballade d’automne. Paradoxalement, ce sont les titres les plus outrancièrement psychédéliques, ceux qui revendiquent haut et fort leur maladie physique pour l’affreux The Rolling people, mentale pour l’ennuyeux Catching the butterfly , qui laisseront nos thermomètres insensibles. Dans ces (rares) moments d’égarement, The Verve ressemble à Cast, voire à du Oasis tiède Weeping willow , Ashcroft gâche un temps précieux à tutoyer les pâquerettes, comme pour rendre encore plus vertigineux les sommets du très Bunnymen Space and time ou du cotonneux One day. En raison des quelques parasites restés en surface, Urban hymns n’est pas le grand, le phénoménal album que l’on est désormais en droit d’attendre de The Verve. Pas encore l’heure pour un Ocean rain, pour un OK computer, mais le rendez-vous est déjà pris. En attendant, il est une pièce clé pour délimiter provisoirement les frontières praticables ou non du rock anglais : son passé proche bientôt un revival James ? Non, on plaisante , son présent le plus brûlant et, à l’évidence, une part non négligeable de son avenir. Après la métamorphose de Verve comme, dans un autre genre, après les Tindersticks ou Radiohead , les groupes moins bien pourvus en dons naturels (ça risque de concerner du monde) s’en trouveront soudainement dévalués, pâlis, impitoyablement inutiles. Certains ressembleront à The Verve avant Urban hymns. Le balai de nos mémoires se chargera du nettoyage.
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