Génial rénovateur anglais, Burial continue les recherches de Massive Attack vers une soul triste, futuriste et urbaine.
Le mystérieux Londonien Burial a réussi un incroyable pari. Celui de composer un album qui part des tréfonds de l’underground (la scène dub-step londonienne : il n’y a guère que le noise de Detroit pour être plus obscur et sectaire ces jours-ci) pour atteindre une incroyable lumière, qui touche à l’intime de chacun de ses auditeurs. Ce qui en fait un peu le Massive Attack ou le Portishead des années 2000. Burial part en effet d’une même science rythmique que ces deux groupes : il y a chez lui aussi de l’électronique, du hip-hop et de la soul. Mêmes ingrédients, mais époque totalement différente : la musique de Burial ne parle pas tant d’histoires d’amour anglaises comme le faisaient celles de Massive Attack ou de Portishead, mais plutôt du fantôme de ces histoires, de leurs traces spectrales dix ou quinze ans plus tard. Untrue, son deuxième album, contient ainsi des voix et des rythmes que l’on peut entendre depuis dix ans dans la musique électronique : des voix héritières de la soul et du r’n’b mais désormais métamorphosées par les années et par le filtre de la radio, de l’internet, du mp3, de la musique de jeux vidéo. Dans sa musique, tout s’enchevêtre et l’on a l’impression d’écouter à la fois un disque de rave et un album idéal pour la maison, un disque pour danser et planer. Sur son précédent album, Burial avait construit des sonorités assez interlopes, sombres et aquatiques, qui dépeignaient un Londres désespéré. Ici, le spleen est toujours présent mais il navigue dans des eaux moins troubles : les rythmes sont assurés, surplombent des craquements omniprésents qui ajoutent de la matière à une musique qui se base sur des effets minimaux, sur le moins d’arrangements possible. Percussions, basses, samples de voix présentes ou très lointaines, textures à peine audibles : les ingrédients sont basiques, mais le résultat force le respect. Car, plus que n’importe quel autre producteur aujourd’hui, Burial parvient à mettre de la musicalité dans ce qu’il compose, à architecturer ses morceaux à la manière de vraies chansons : on est ici en plein dans un songwriting différent. On songe parfois à Prince, à Timbaland en lo-fi, on songe surtout beaucoup au futur prometteur de cet inconnu qui n’a nul besoin de paraître pour être : une gageure à l’ère d’internet qui impose à tous une visibilité outrecuidante. C’est en s’évaporant que Burial brille le plus, et c’est son absence d’ego qui illumine toute sa musique, dont on n’ose même pas croire qu’elle existe, dont on n’ose même pas dire qu’elle est la plus belle de l’année, de la décennie : il faut écouter cet album les yeux fermés et se souvenir de ce que c’est que de tomber amoureux la première fois de sa vie.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}