Le groupe psyché est de retour avec son troisième album baptisé « Multi-Love » : beaucoup d’amour. Rencontre, critique et écoute.
Extrait de son premier album paru en 2011, le morceau génial avec lequel Unknown Mortal Orchestra a commencé à mélanger nos synapses s’intitule Ffunny Ffrends. Ffunny Ffrends, commes les ddrôles d’aamis imaginaires qui se baladent et se collisionnent dans la tête bien faite mais bizarrement organisée du passionnant Ruban Nielson. Ffunny Ffrends, avec des lettres en trop : pas étonnant de la part d’un garçon kaléidoscopique comme sa pop mutante, changeant comme son psychédélisme vaporeux, pas étonnant d’un type tenant plus de Shiva, de la pieuvre ou de l’hydre que de l’Homo sapiens.
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Nielson a ainsi un pied en Nouvelle-Zélande, où il a grandi, un autre à Hawaii, d’où est originaire sa mère et où il compte s’installer, et un troisième à Portland, capitale internationale du weird, où il a pour l’instant posé son barnum familial, mental et musical. Il a un cœur pour sa femme, un pour le fils qu’il a eu avec elle et un autre encore pour la très jeune femme avec laquelle un ménage à trois, joyeux, chaotique et perturbant, s’est formé l’année dernière, lui offrant la matière première pour écrire le très bien nommé Multi-Love.
Inventer des hybrides qui n’appartiennent qu’à lui
Et le cerveau ? Ubuesque également, bien sûr. Nielson en a projeté un dans un lointain avenir, où il fait évoluer son funk futuriste, où il dessine les univers tordus dans lesquels il installe son humanité droguée et cabossée. Mais le (très) Néo-Zélandais en a, dans l’exact même temps, installé un dans le passé. Celui dont il explore et décortique le psychédélisme, l’optimisme, les techniques, celui dont Multi-Love, album ambitieux, variable, soniquement impressionnant (il parle d’“upgraded lo-fi”), tire une partie de ses sons et textures abyssales.
Car en Dr. Frankenstein geek, Nielson rachète depuis des années de vieux synthés, des claviers pétés, du matériel abandonné pour le rafistoler, le recâbler, le croiser avec du moderne et, finalement, inventer des hybrides n’appartenant qu’à lui.
“J’aime l’idée de ramasser quelque chose de cassé et de lui redonner vie, nous explique-t-il. Mais de le faire à ma manière. Pas en simple consommateur : je veux être créateur, à la base des choses, ce que ne sont plus les artistes. Il y a quelque chose de Frankenstein dans la façon dont je m’y suis pris avec ces vieux synthés. J’ai remplacé des vieux éléments par des pièces détachées beaucoup plus modernes, pas supposées être là, et je me suis retrouvé avec des sons et des fonctionnements bizarres mais excitants, des choses avec lesquelles je pouvais travailler, en studio, sur mes chansons. C’est une manière de jouer avec l’idée du temps et de l’histoire : faire cohabiter des éléments modernes avec de vieux trucs, prendre des éléments d’instruments des années 40 pour les coller avec des trucs des années 2010, c’est jeter des ponts entre le passé et le futur, et c’est mélanger un peu les cartes.”
Des expérimentations folles
Géographiques, morales, chimiques ou musicales, les cartes d’Unknown Mortal Orchestra sont parmi les plus mélangées que l’on connaisse. On trouve ainsi sur le périple zinzin que constitue Multi-Love du Sly Stone, du Prince, du Hot Chip, du MGMT, du Connan Mockasin, du Of Montreal, de la pop faussement naïve ou du funk langoureux, un psychédélisme acide ou une mélancolie profonde, du saxo et des sons inconnus, des contre-pieds surprenants, des expérimentations folles, des minitubes plus collants que des roudoudous.
On trouve dans Multi-Love – album le plus abouti et le plus ambitieux d’Unknown Mortal Orchestra, disque plus coloré, plus dense plus dansant que le précédent, magnifique mais relativement sombre II – beaucoup d’amour. Ou plutôt beaucoup d’amours – bizarres, neuves, et au pluriel.
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