Chers fans de Muse,
On a écouté Drones, le nouvel album de votre groupe préféré. Il est sorti hier et premier étonnement: il fait beau comme dimanche, le monde est encore debout et internet n’a pas implosé sous la pression de votre joie débordante. Deuxième étonnement : on n’a pas encore vu passer vos blagues sur Twitter (à quelques exceptions près), alimentant ainsi notre clash historique à propos de Muse. Car vous avez beau cultiver des goûts musicaux catastrophiques, vous n’en restez pas moins une communauté pleine de vie dont l’esprit nous a souvent touché en plein cœur. Exemple récemment avec ce strip brillant qui a tourné dans toute la rédac des Inrocks, et avec ce qui restera le meilleur poisson d’avril de l’année à nos yeux. Changez rien, vous êtes super.
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Finalement, @lesinrocks aime le nouveau Muse ! #MuseDrones #pwoperfish pic.twitter.com/zCnSwtg6LT
— Muse IWantTheTruth (@muse_iwantruth) March 31, 2015
Enfin, troisième étonnement : ledit Drones est moins ridicule que prévu. Alors pas d’emballement, c’est quand même moche et con à souhait, mais on s’attendait vraiment à pire suite à l’indigeste premier morceau dévoilé (Psycho, qui avait donné lieu à une riche discussion entre nous), et surtout après ce monument de grandiloquence pour divas prépubères, cette messe pseudo-cosmique surfant sur la mode FM du dubstep, ce tombeau du rock que fut The 2nd Law en septembre 2012.
Depuis, on n’a toujours pas vu passer l’apocalypse prévue par les Mayas, pas davantage que les finalités complotistes mises en « chansons » par votre groupe préféré, chers fans de Muse, avec un populisme débarrassé de tout surmoi. Et surtout, Muse n’a toujours pas joué (ni déménagé, dommage…) quelque part dans l’espace, malgré une tendance toujours accrue à jouer les profs de physique quantique pour colonies de vacances.
L’accalmie se fait sentir
Vous, nous et notre débat sans fin : en 2015, tout est toujours en place. A ce titre, vous avez sans doute remarqué que les thèmes de l’oppression politique, de la psychose collective et des dérives technologiques, Muse continue de s’en emparer tout au long de Drones. Mais au final, on doit bien l’avouer, les trois garçons le font avec si peu d’exagération et à travers une chose si incroyable venant d’eux – la retenue – que les bras nous en tombent et désamorcent, au passage, la haine toute prête qu’on gardait avec mauvaise foi pour cet album. Musicalement, l’accalmie se fait également sentir.
Quelques éléments du Muse originel
Quand il chante, Matthew Bellamy est toujours la starlette d’opéra (ou la star d’opérette, c’est selon) qu’il est devenu avec le temps ; et quand il joue de la guitare, il est toujours le même copiste appliqué (AC/DC sur Reapers, Rage Against The Machine sur Defector, Queen sur Revolt…) ; mais au détour d’un couplet, d’un bridge ou d’un refrain, on retrouve quelques-unes des raisons qui nous avaient poussés à aimer Muse à leurs débuts. Certaines modulations mélodiques de Dead Inside, le tapping malin sur The Handler ou la grande douceur d’Aftermath rappellent ainsi davantage le Muse originel que la bouillie prog-rock dans laquelle le groupe a sombré par la suite (une dégénérescence toujours active, bien que dans une moindre mesure, à travers le frimeur et confus The Globalist).
La vie chez @lesinrocks #muse #MusePsycho pic.twitter.com/LCTNMgbBn5
— Muse France (@MuseActuFrance) March 13, 2015
Autre point de vue : et si cette accalmie n’était au fond qu’une preuve de laisser-aller, celle d’un manque d’inspiration ou bien l’aveu dissimulé, sous couvert d’un partiel retour aux sources, d’une flemme cynique à poursuivre le chemin emprunté ces dernières années ? Si c’était le cas, Drones contiendrait des choses bizarres et vides comme des interludes inutiles (Drill Sergeant et JFK ?), des instrus dignes de Maroon 5 ou Rihanna (Mercy ?) et, pourquoi pas, une fin d’album bien pompeuse en forme de chant religieux (Drones ?). En l’occurrence, chaque détail se vérifie.
Nostalgie sans fin
Dans un cas comme dans l’autre, qu’est-ce qui peut encore pousser à tant aimer Muse ? Car les fans de la première heure ne jouiront ici, logiquement, que d’une fade resucée d’un passé disparu, et ceux de la dernière – selon la même logique – n’y trouveront pas leur compte en termes de science-fiction dystopique et low cost. Alors oui, bon, il parait que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point…
Chers fans de Muse, vous vous souvenez de Showbiz, le premier album de votre groupe préféré ? A cette époque, Matthew Bellamy et ses copains Dominic Howard et Christopher Wolstenholme avaient encore le choix entre une carrière à la Radiohead (ou même Pink Floyd, pourquoi pas) et une autre sur les traces de groupes perfides comme U2. Mais Matt, Dom et Chris – comme vous les nommez sans doute en fixant des posters ternis par la poussière – ont visiblement choisi la seconde option, nous forçant ainsi collectivement, une énième fois, à entretenir l’indépassable et fatigant bavardage du « c’était mieux avant ». Alors qu’aux Inrocks, et chez vous certainement aussi, chers fans de Muse, on préfère toujours penser à demain : après ce septième album mollasson, la guerre sera-t-elle finie entre nous ?
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